SAVEURS LATINES À L’EMPANADARIA

Voyage culinaire en Amérique du Sud á l’Empanadaria, un restaurant chilien à quelques pas du Jardim da Estrela à Lisbonne.

Les habitants et touristes qui arpentent la capitale aiment á se retrouver sur ses hauteurs, là où le fameux tramway 28E les portera. Les passagers qui prennent place à bord d’une de ces locomotives d’époque toujours usitées par les locaux, se verront transportés de la colline de Graça á celle de Lapa, jusqu’au cimetière de Prazeres en passant par le Chiado ou Alfama. En chemin, les sentiments sont partagés entre émerveillement et une certaine nervosité lorsque le « vieux coucou » passe dans les rues sinueuses ou croise un autre véhicule. Coté Lapa, au bout de l’interminable montée pavée de la Calçada da Estrela, deux sites immanquables à Lisbonne séparés par les rails et les fils emmêlés des « electricos » se font face. L’un d’un blanc immaculé, l’autre à l’abondante verdoyance quasi tropicale : la Basilique et le Jardin de Estrela.

L’église construite en 1779 est des plus atypiques pour ses deux coupoles et pour ses dimensions imposantes. Quant au parc, il s’agit d’un havre de paix à l’abri du chaos urbain et des chaleurs estivales où il fait bon prendre un café au kiosque, se prélasser sur l’herbe, lire au bord d’un étang ou s’adonner á une activité physique. C’est en effet un lieu de rendez-vous pour les coureurs, amateurs de fitness ou de yoga et danseurs. Bref, c’est l’endroit idéal pour passer l’après-midi.

Il est par ailleurs une curiosité à ne pas manquer aux alentours du jardin : l’Empanadaria. Les gastronomes connaissent probablement les « empanadas » d’Argentine que l’on peut déguster aux quatre coins du Portugal mais ici, il s’agit de leur version chilienne. La différence réside avant tout dans leur taille car si les argentines sont relativement petites et consommées comme « petiscos », au Chili, elles font office de véritable repas. Daniel, Cristian et Javiera sont tous trois originaires du pays de Pablo Neruda et se sont lancés dans cette aventure culinaire grâce au Covid-19 (improbable mais véridique).

En plein confinement, morts d’ennui et de « saudades » de leur gastronomie natale, le trio a commencé la préparation de ces « chaussons de viande » sud-américains, dans un premier temps pour leur consommation personnelle. Forts de succulents résultats et par altruisme envers leur communauté lisboète en manque, elle aussi, de saveurs traditionnelles, ils ont commencé un service de livraison à domicile. Voyant l’affaire tourner à plein gaz, le colocataire des membres de la fine équipe, un français de nationalité et propriétaire d’un café restaurant du quartier, Tropisme, leur a gentiment proposé une collaboration. Chaque samedi, notre compatriote offrait à ses amis un espace en cuisine et en salle tout dédié à leur commerce jusqu’á qu’ils ouvrent leur propre établissement.

À la carte, différents types d’empanadas : la Chilena, une classique à base de viandes de bœuf, oignons, œufs durs et olives, la poulet curry, une au fromage et chouriça (saucisse) etc… Matias et Antonio sont des habitués ; pour le premier, c’est la classique qui l’emporte car elle lui rappelle son pays. Le second est végétarien et jure que la recette aux champignons est « la meilleure qu’il n’ait jamais mangée de sa vie, même au Chili ». Mais le menu ne s’arrête pas là. Le samedi, c’est « pastel de Choclo », un genre de hachis parmentier dont la viande est identique à  celle des empanadas, avec en prime des morceaux de poulet et des œufs durs, le tout surmontés d’une purée de maïs caramélisée au four. Un délice qui égale presque le dessert star de la carte l’« alfajor », deux sablés moelleux avec une crème de « manjar » (comparable à la confiture de lait ou dulce de leche).

Pour les boissons, c’est un dépaysement total pour les non-initiés et un bonheur pour les nostalgiques. Tout d’abord il y a le vin, chilien bien entendu, dont la réputation n’est plus á faire mais difficile à se procurer sur la péninsule. Les chefs proposent un cabernet sauvignon, un sauvignon blanc et un carménère, un cépage français du Médoc qui a disparu en France mais qui est cultivé au Chili. Le Pisco Sour et le Terremoto sont les véritables curiosités de la maison. Le premier est un cocktail á base de Pisco (eau-de-vie de raisin), citron et blanc d’œuf ; le second, le « tremblement de terre » est un mélange de vin blanc, grenadine et sorbet ananas.

En tant que seul restaurant chilien de tout le Portugal, son succès est sans précédent aussi il n’est pas rare d’y croiser l’Ambassadeur lors de sa pause déjeuner. Ce succès s’explique en bien des raisons : un accueil hors du commun, des produits frais comme les œufs provenant des poules des propriétaires et des saveurs méconnues pour nous autres européens.

Johanna Trevoizan

Empanadaria, R. Saraiva Carvalho 107 Lisboa, www.empanadaria.pt

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