À quelques pas du Largo da Graça, dans une ancienne résidence ouvrière qui accueille aujourd’hui des startups, Pedro Romão, son frère Sergio et leurs coéquipiers ont créé la Oitava Colina. En plus de rendre hommage à son quartier d’origine, elle s’impose un peu partout en faisant fi des clichés : Lisbonne n’a pas seulement sept collines et on peut boire autre chose sur la péninsule que des blondes légères.
On parle beaucoup de vins portugais mais très peu de bière alors que le Portugal en est un grand consommateur. Vous confirmez ?
Oui absolument, nous sommes clairement un pays de vignes et la viticulture joue un rôle des plus importants, pourtant la boisson plus consommée en litres après l’eau c’est la bière, plutot claire de type Super Bock ou Sagres.
L‘omniprésence des deux marques que vous venez de citer est visible sur tout le territoire, aussi, y avait-il une place pour vous ?
C’est justement la raison pour laquelle nous nous sommes jetés à l’eau, parce qu’il n’y avait rien d’autre à part ces deux noms. Il s’agit de pils classiques, nous, nous voulions quelque chose de différent mais à part des étiquettes étrangères, des belges notamment comme la Chimay ou la Leffe, on ne trouvait rien. De nos jours, les portugaise sont conscients que différents produits sont disponibles, plus travaillés et de meilleures qualités, alors en 2014 nous avons produit la première bière artisanale locale lisboète et ouvert la porte à un marché inexistant.
Vous êtes une référence dans la capitale, mais est-ce-que la concurrence est forte ?
Les bières artisanales sont présentes dans tout le pays, dans chaque ville ou région il y a une marque qui se distingue. Algarve Rock dans le sud, Letra à Porto, Praxis à Coimbra etc… la liste est longue et de nouveaux projets ne cessent d’apparaître. Quant à Lisbonne, Dois Corvos ou Musa sont très populaires aussi mais nous ne les considérons pas comme la concurrence, car sincèrement, je préfère voir quelqu’un boire une Musa qu’une Super Bock. (Rires)
Comment l’aventure Oitava Colina a-t-elle commencée ?
Nous faisions notre propre bière à la maison pour les raisons que j’ai mentionnées auparavant, puis nous avons compris qu’il y avait un potentiel à creuser. Des 20 litres que nous produisions chez nous, nous sommes passés à 500 pour arriver à 10 000 aujourd’hui. L’entrepris en tant que telle a été fondée en 2014 par mon frère, deux amis associés et moi, et notre première Oitava Colina est sortie en 2015. En 2018 nous avons tout d’abord ouvert le « taproom » de Graça, un espace où l’on propose dix différents types de pressions ainsi que quelques plats à partager, enfin, le Marquês en novembre 2019 sur l’Avenida da Liberdade. Cette fois-ci il s’agit d’un lieu de dégustation avec une véritable offre gastronomique et un chef exécutif.
Lisbonne est la ville au sept collines, quid de la huitième ?
La légende veut que le prêtre Nicolau de Oliveira ait nommé la capitale de la sorte à son arrivée en bateau, lorsque depuis le fleuve vers la Praça do Comércio il a vu sept collines se dresser devant lui. Seulement, après avoir déambulé dans les rues il en a découvert une huitième, celle de Graça, derrière le Château São Jorge. Mais pour positionner Lisbonne au même niveau que Rome, le numéro sept est resté. Quant à nous. nous voulions rendre hommage à ce quartier en donnant son nom à notre boisson née et brassée ici.
Quelles sont vos produits phares ?
En tout est pour tout nous avons conçu plus de 70 spécimens mais beaucoup sont des prototypes de saison, des curiosités. Parmi les classiques toujours à la carte il y a Urraka, une IPA : Indian Pale Ale. Pour la petite histoire, la IPA est née au temps des colonies lorsque les anglais envoyaient des barils en Inde et y ajoutaient du malte, du houblon et de l’alcool pour qu’ils se conservent pendant le voyage. Par conséquent, ces bières ont beaucoup de goût et sont fortes en malte. Ensuite, il y a Zé Arnaldo, une brune porter aussi de type anglais. La couleur plus ou moins foncée va dépendre des grains d’orges, s’ils sont grillés ou non, et à quelle intensité. Certaines marques utilisent aussi des colorants, mais pas nous. Ensuite il y a Iolanda, une double IPA, cette fois encore plus forte (9%) donc plus amère. Pour finir il y a Maria, une blonde plus classique qui avec Urraka est la plus appréciée des clients.
Chaque variété porte un nom propre, pourquoi ?
On a donné des noms propres à nos bière pour les personnifier, pour faire vivre l’âme du « bairro » (quartier). Chacune d’elle a sa propre personnalité : Urraka est une femme de feu, quant à Zé Arnaldo par exemple, c’est un charmeur. Tous les portraits que l’on peut voir sur les étiquettes ont été dessinés par Gonçalo Mar, un street artiste lisboète qui a fait toutes nos illustrations jusqu’aux cadres qui ornent les murs.
Comment et où déguster une Oitava Colina ?
Tout d’abord dans nos espaces dédiés à Graça et au Marquês de Pombal, mais nous sommes également distribués dans beaucoup d’établissements, principalement à Lisbonne et un peu partout dans le pays. On importe par ailleurs à l’étranger, en Suisse, au Luxembourg et en France notamment, là où il y a une forte communauté portugaise et un marché de la « saudade » (nostalgie). En ce qui cincerne les bouteilles, elles sont disponibles à la vente directe dans les taproom, sur internet et de plus en plus en supermarché.
Oitava Colina Rua Damasceno Monteiro 8A Lisboa www.oitavacolina.pt