« Il y a une histoire d’amour entre les Portugais et le cinéma français »

La Festa do cinema francês aura lieu cette année du 4 octobre au 11 novembre avec, en guise d’ouverture, la projection de la version restaurée de « Cyrano de Bergerac », chef-d’oeuvre de Jean-Paul Rappeneau, parrain de cette 19e édition. Au programme également : une rétrospective consacrée à Henri-Georges Clouzot à la Cinémathèque. Attachée culturelle de l’ambassade de France et de l’Institut français, qui organisent l’évènement, Silvia Balea nous présente les nouveautés.

Ce 19e festival du cinéma français sera votre baptême, puisque vous avez repris le flambeau de l’organisation le 3 septembre. Pouvez-vous nous présenter votre parcours ? 

Je suis l’héritière que tout ce qu’ont réalisé ma prédécesseure et les équipes de l’Institut français, qui sont les organisateurs à 100 % de ce festival, ce qui est assez rare. Je suis pas portugaise, mais d’origine roumaine. J’ai travaillé durant vingt ans à Paris à la direction du cinéma Le Latina, qui était le cinéma des cultures latines. J’ai donc souvent été amené à accueillir et travailler avec les réalisateurs portugais. J’ai connu les grands classiques, de Manoel de Oliveira à Paulo Rocha. J’ai aussi contribué à la diffusion des jeunes réalisateurs portugais en France, comme Teresa Villaverde ou Pedro Costa. Donc mon contact avec la culture portugaise ou lusophone s’est fait à travers le cinéma. Je souhaitais, pas un souci de réciprocité, faire le chemin inverse : venir présenter les réalisateurs français au Portugal. 

Comment avez-vous appris le portugais ?

Par ricochet, car je parle toutes langues latines. C’est aussi venu par la littérature. En Roumanie, je traduisais des poètes portugais, notamment Sophia de Mello Breyner Andresen. Je suis aussi venu régulièrement au Portugal, car j’aime ce pays. Maintenant que j’y suis installée, ça va être l’occasion de le pratiquer. 

Revenons donc au festival : quelle est son ambition ?

C’est un grand rendez-vous annuel, organisé autour de plusieurs axes, notamment les films inédits. C’est une fenêtre sur le cinéma français actuel, qui va être en partie diffusé dans les salles portugaises ultérieurement. Le public pourra voir les films en avant-première dans 11 villes du pays (Lisbonne, Almada, Porto, Leiria, Coimbra, Viana de Castelo, Beja, Seixa, Faro, Aveiro et Setúbal), qui ne seront pas tous repris par les distributeurs portugais par la suite. Nous avons donc une partie qui est consacrée au cinéma contemporain et une autre à notre parrain ou à notre marraine. Cette année, ce sera Jean-Paul Rappeneau. 

Son chef-d’oeuvre, « Cyrano de Bergerac », sera d’ailleurs votre film d’ouverture…

L’actualité fait que son grand film, « Cyrano », qui a remporté dix Césars et un Oscar, pour le meilleur costume, a été restauré et présenté au festival de Cannes cette année. Au Portugal, les gens pourront le découvrir en avant-première, lors du lancement de notre festival le 4 octobre, avant qu’il ne soit diffusé dans les salles du pays. Jean-Paul Rappeneau viendra présenter le film. Quatre ou cinq autres de ses films, comme « La Vie de château », seront projetés au cinéma São Jorge à Lisbonne. Il faut rappeler que Rappeneau n’a pas une œuvre énorme, car c’est un réalisateur extrêmement minutieux, il travaille en orfèvre chacun de ses films. Sur « Cyrano », la photo est magnifique. On la doit au grand chef opérateur Pierre Lhomme. La restauration de la copie rend hommage à son travail, notamment sur la lumière. 

Pourquoi le festival est-il échelonné dans le temps, du 4 octobre au 11 novembre ?

C’est pour une question de copies. Les films ne peuvent pas être diffusés simultanément partout dans le pays. Le fait que ce soit étalé sur la durée permet aussi de mener un travail très intéressant avec les écoles de cinéma de Lisbonne et de Porto, car notre calendrier correspond à celui de l’ouverture de l’année universitaire. Il y a, par exemple, le cycle Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), qui permet de mettre en avant des films réalisés par de jeunes réalisateurs indépendants, qui sont présents lors de la projection, puis lors d’une master class. Plusieurs thèmes sont alors abordés, liées au sujet d’un film, au tournage… 

Outre Jean-Paul Rappeneau, pouvez-vous nous annoncer la présence d’autres noms du cinéma français ?

Xavier Giannoli viendra présenter « L’Apparition », Gilles Lellouche « Le Grand Bain », Jean Becker « Le Collier Rouge », Stéphane Brizé « En guerre »… On aura aussi un très jeune acteur, lumineux, magnifique, révélé dans le film « La Prière », pour lequel il a décroché le prix d’interprétation au dernier festival de Berlin : Anthony Bajon. Si tout se passe comme prévu, nous aurons également le plaisir d’accueillir Nuno Lopes, à l’occasion de la projection du film « Le Vent tourne ». Cet acteur originaire de Lisbonne navigue régulièrement entre les cinémas portugais et français. Donc notre sélection est très diverse : il y aura des comédies, des drames, des films d’auteur, des films plus grand public… La grande diversité de programmation est très courante dans notre festival.

L’an dernier, Jean-Pierre Melville avait fait l’objet d’une rétrospective à la Cinémathèque de Lisbonne. Quel réalisateur sera à l’honneur cette année ?

Ce sera Henri-Georges Clouzot, pour une rétrospective normalement intégrale. Ses films seront projetés et son documentaire extraordinaire « Le Mystère Picasso ». Nous aurons également un doc sur Clouzot lui-même, qui s’appelle « L’Enfer », réalisé par Ruxandra Medrea et Serge Blomberg. C’est un éclairage très intéressant sur la manière de travailler de celui qui était considéré comme le « Hitchcock français ». 

Des films d’animation seront-ils projetés ?

Oui, nous avons une programmation consacrée aux scolaires et aux enfants. Nous aurons la chance de présenter un très grand réalisateur français de cinéma d’animation, Michel Ocelot, pour son film « Dilili à Paris », qui est sublime, comme tous les autres. Il faut absolument le voir.

Avez-vous une idée du public de votre festival ? Les spectateurs sont-ils majoritairement des expats français ?

Non, pas seulement, parce qu’il y a une histoire d’amour entre les Portugais et le cinéma français, et depuis longtemps. Il suffit de voir les sorties des films français ici, qui marchent bien. Parmi la production européenne, celle qui arrive de France est d’ailleurs la plus représentée au Portugal. Plus de 150 films français sont montrés chaque année sur les écrans portugais. Et c’est aussi vrai dans l’autre sens : les Français aiment beaucoup les films portugais, peut-être même davantage que les Portugais eux-mêmes. 

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