Endémique du Mexique, l’agave est sans aucun doute la deuxième plante la plus importante après le maïs. Depuis des millénaires, elle offre abri et subsistance aux populations locales.
Ses fibres sont devenues une source de prospérité économique pour le Mexique lorsque les artisans locaux ont commencé à les utiliser pour tisser des cordes nautiques et des textiles. Sa sève a servi de sucrant, en alternative au sirop d’érable ou au miel. Mais, par-dessus tout, l’agave est à l’origine des spiritueux emblématiques mexicains : le mezcal et la tequila.
Contrairement à la fermentation, que connaissaient déjà les Aztèques qui brassaient la sève d’agave pour en faire une boisson appelée pulque, la distillation a été introduite par les Européens. Lorsqu’explorateurs et conquistadors ont accosté sur les côtes mexicaines, ils étaient accompagnés de marins philippins qui apportèrent avec eux des cocotiers ainsi que la technologie permettant de distiller le vin de coco, vino de coco.
Ces principes furent alors appliqués à l’agave, donnant naissance à une boisson faiblement alcoolisée à distillation unique, connue sous le nom de vino de mezcal.
Un apéritif avant la dégustation de mezcal
À ses débuts, cette catégorie englobait tous les types de distillats issus de l’agave. Cependant, autour des années 1700, dans la ville de Tequila, dans l’État de Jalisco (du mot nahuatl tequitl, « le lieu du tribut »), la tequila s’est distinguée en devenant une catégorie à part entière, choisissant de se concentrer exclusivement sur l’Agave tequilana, aussi appelée agave bleu Weber, en l’honneur du botaniste français Frédéric Albert Constantin Weber qui a identifié l’espèce.
De son côté, le mezcal (du nahuatl « maguey cuit », une variété d’agave) est resté fidèle à toutes les variétés d’agave — on en compte près de 400 — chacune imprimant son profil végétal distinctif au produit final.
Pour commencer, il y a l’agave Cuishe, qui ressemble à des piquets étroits et dégage des notes sèches, herbacées et végétales, avec une douceur subtile. Ensuite, l’agave Tobasiche, qui ressemble à un petit arbre, offre des arômes proches du cèdre et une finale terreuse.
Les feuilles vert bleuâtre et pointues du Tepeztate évoquent des senteurs de parfum et produisent des saveurs puissantes et terreuses. Le Tobalá, au ventre large, surnommé « le roi des mezcals » pour sa récolte rare, est délicat, floral et fruité.
Certaines poussent dans les vallées, d’autres grimpent sur les flancs des montagnes ; néanmoins, elles proviennent toutes de la nature sauvage. Ensemble, elles représentent un défi pour les maestros mezcaleros, les producteurs de mezcal, qui les récoltent à la main dans leur habitat naturel. Il existe une entente tacite entre mezcaleros : chacun respecte les limites des parcelles d’agaves sauvages de l’autre. C’est essentiel, car les plantes mettent des années à arriver à maturité.
Maestros Mezcaleros
Tout commence lorsque les feuilles charnues et épineuses forment des rosettes, le corps de la plante. Durant ses six à trente années de croissance (selon la variété), l’agave accumule de plus en plus de sucre en son cœur. Comme dernier souffle pour atteindre l’immortalité, la plante projette une tige reproductive géante appelée quiote, y transfère tout son sucre, puis meurt. Cette tige sucrée en fleurs attire une nuée de chauves-souris au nez long, les seuls pollinisateurs connus de l’agave sauvage.
Pour produire l’alcool, les plantes sont récoltées avant la floraison, afin de concentrer tout le sucre dans le cœur de l’agave, appelé piña. À Oaxaca, où est produite la majorité du mezcal mexicain, les récoltants font des efforts volontaires pour laisser certaines plantes fleurir, sacrifiant une matière première précieuse pour permettre la reproduction naturelle des espèces sauvages.
Cependant, en raison de la demande croissante, une pression s’exerce pour se tourner vers la variété Espadín, plus rentable. Mais les dangers de la monoculture sont bien connus des mezcaleros, notamment grâce à l’expérience de leurs collègues de l’industrie de la tequila.
Au début de 1988, une épidémie a décimé des milliers d’hectares d’agave bleu. Étant une monoculture, la maladie s’est propagée à toute allure, faisant flétrir et mourir les plantes. Ce phénomène fut baptisé tristeza y muerte (tristesse et mort), et entraîna d’abord l’utilisation prudente, puis systématique d’herbicides et de pesticides — une pratique à laquelle l’industrie du mezcal se refuse farouchement.
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