Le gouvernement s’explique sur une « organisation extrémiste internationale présente au Portugal »

La décision de supprimer le chapitre semble avoir été politique, conclut le Diário de Notícias. Image : António Cotrim/ Lusa

Une polémique enfle autour de la disparition d’un chapitre du rapport annuel sur la sécurité intérieure, qui faisait référence à un groupe d’extrême droite classé comme terroriste dans plusieurs pays.

Le gouvernement portugais fait face à une pression croissante à propos des mouvements extrémistes opérant dans le pays, et plus précisément concernant la suppression d’un chapitre clé du Rapport Annuel sur la Sécurité Intérieure (RASI) 2024. Ce passage désormais absent évoquait le groupe B&H – Blood & Honour, une organisation néonazie fondée au Royaume-Uni dans les années 1980, aujourd’hui interdite au Canada, en Allemagne et en Espagne, et classée organisation terroriste dans plusieurs États.

Le Bloco de Esquerda (dont la représentation parlementaire s’est effondrée lors des dernières élections, réduite à un seul député) a soumis douze questions au gouvernement à propos de cette disparition. Dans un article du mois dernier, Expresso rappelait que B&H est associé à des attaques violentes en Europe et aux États-Unis, que ses comptes bancaires ont été gelés au Royaume-Uni en janvier, et que sa branche portugaise organise régulièrement des concerts.

Ces événements, selon les enquêteurs, servent de plateformes de radicalisation, de recrutement et de financement, notamment via la production de propagande. Le nom du groupe figure d’ailleurs déjà dans plusieurs rapports d’Europol.

Des documents internes ont révélé des photos de skinheads londoniens en déplacement au Portugal, confirmant les activités transnationales du mouvement. « Dans la sphère de l’extrême droite, B&H est considéré comme l’un des groupes les plus secrets », soulignent des sources policières citées par Expresso. Le groupe est aussi en rivalité avec un autre réseau néonazi : les Hammerskins.

Le Système de Sécurité Intérieure (SSI), chargé de la coordination entre les forces de sécurité et le gouvernement, n’a donné aucune justification officielle pour la suppression de ce chapitre intitulé « Extrémisme et menaces hybrides » dans la version finale du RASI. Selon Expresso, cette décision aurait été le fruit de divergences internes entre les services de sécurité lors des réunions préparatoires. Le chapitre aurait donc été supprimé dans son intégralité.

Parmi les autres informations retirées figurent également des données sur la présence d’influenceurs d’extrême droite sur les réseaux sociaux, qui attirent un public jeune, et sur des mouvements négationnistes et antisystèmes, purement évacués du rapport.

Dans la version préliminaire, Expresso affirme qu’il y avait quinze références explicites à la menace d’extrême droite ; dans la version finale, il n’en reste que trois. Les mentions de l’extrême gauche sont également réduites, et certaines thématiques sensibles ont totalement disparu.

Problème : plusieurs députés avaient eu accès à cette version de travail, ce qui explique pourquoi le gouvernement est aujourd’hui sommé de s’expliquer.

Mais jusqu’à présent, le gouvernement semble éviter le fond du débat. Hier soir, Lusa rapportait que l’exécutif avait simplement répondu que la police utilise désormais l’intelligence artificielle pour analyser les données et détecter des schémas d’activités criminelles. Une réponse jugée hors sujet par les observateurs, car elle ne traite pas des suppressions évoquées par le Bloco.

L’équipe du Premier ministre Luís Montenegro a réitéré que « seule la version finale du RASI est officielle », qu’elle a été validée par le Conseil Supérieur pour la Sécurité Intérieure, et que le document consulté par les journalistes était une version de travail confidentielle, qui « n’aurait jamais dû être rendue publique ».

Or, selon le Diário de Notícias, le texte supprimé alertait sur l’absence de coordination européenne dans la lutte contre ce type de groupes extrémistes, ce qui favorise la création de refuges où ces organisations peuvent opérer librement. Il y était également précisé que certains membres sont déplacés d’un pays à l’autre pour échapper aux autorités.

D’après une enquête de la Police Judiciaire, active sur ce dossier depuis 2018, les plateformes en ligne sont aujourd’hui le principal terrain d’action des mouvements d’extrême droite décentralisés, souvent marqués par une idéologie « accélérationniste » ou satanique. La communication par mèmes y est utilisée pour recruter et radicaliser des jeunes de plus en plus jeunes — parfois âgés de moins de 16 ans.

La PJ conclut que « l’évolution rapide de ce phénomène rend la menace d’actions violentes par des jeunes radicalisés de type “loup solitaire” impossible à écarter ».

Mais puisque ces informations ont été jugées confidentielles, le Premier ministre estime qu’elles n’auraient jamais dû être révélées, quelle qu’en soit leur gravité.

Dans un article intitulé « Les extrémistes qu’on veut nous cacher », la journaliste Valentina Marcelino (Diário de Notícias) souligne que la décision de caviarder des éléments aussi sensibles du rapport RASI a été éminemment politique, rappelant que la responsabilité du contenu final revient au secrétaire général du SSI, un procureur rattaché directement au cabinet du Premier ministre.

Le poste Le gouvernement a fait pression sur «l’organisation extrémiste internationale au Portugal» est apparu en premier sur Résident du Portugal.

Share this story

PinIt
LinkedIn
Share
WhatsApp