18 000 « immigrants sans papiers » indésirables au Portugal

 

Les immigrants seront invités à quitter volontairement le pays, sinon, ils seront expulsés

Le 1er mai, des immigrants en attente de régularisation au Portugal ont participé à deux manifestations, exigeant la délivrance de leurs documents et le droit de rester sur le territoire. Étonnamment, ces mobilisations ont reçu très peu de couverture médiatique. Ce silence s’explique désormais : des milliers de ces personnes n’obtiendront jamais les papiers espérés. À la place, elles commenceront à recevoir des lettres de l’AIMA (Agence pour l’intégration, les migrations et l’asile), les informant que leurs demandes de résidence ne répondent pas aux critères requis et qu’elles doivent quitter le pays.

Les premières notifications – accordant un délai de 20 jours pour quitter le territoire national – seront envoyées dès ce lundi. En cas de non-respect de ce délai, les personnes concernées « seront soumises à une procédure d’expulsion », selon les rapports officiels.

L’information a été initialement révélée ce matin par le Jornal de Notícias, avant d’être largement reprise par l’ensemble des médias nationaux – et dénoncée par certains partis de gauche engagés dans la campagne électorale actuelle, qui y voient une tentative manifeste de séduire l’électorat de Chega, le parti d’extrême droite habituellement critique de la politique d’immigration jusqu’alors « ouverte » du Portugal.

Comme l’explique le Jornal de Notícias, le gouvernement actuel – en quête de reconduction lors des élections dans deux semaines – a officiellement mis fin à cette politique dite de « portes ouvertes » le 3 juin dernier. Dans la foulée, une « structure de mission » a été créée au sein de l’AIMA afin de traiter les plus de 400 000 dossiers en attente de régularisation.

Certains de ces dossiers étaient en souffrance depuis deux ans. Il est donc probable que plusieurs des manifestants du 1er mai à Lisbonne – brandissant des pancartes telles que « Personne n’est illégal », « Des papiers pour toutes et tous », « Je vis ici, je reste ici, je ne pars pas » – figurent parmi ceux qui recevront ces premières notifications.

Interrogé par la presse ce jour, le ministre de la Présidence, António Leitão Amaro, a précisé que les 18 000 cas actuellement concernés ne représentent pas un chiffre définitif. En effet, 110 000 autres demandes doivent encore être examinées par la même structure, et un nombre indéterminé d’entre elles pourrait également être rejeté.

Selon le ministre, ces décisions marquent un tournant clair : « La politique d’immigration portugaise est désormais une politique régulée. Les règles doivent être respectées, et leur non-respect entraîne des conséquences. » Il insiste sur le fait que les notifications sont adressées à des personnes « ayant enfreint les règles portugaises et européennes ». Dans un État de droit, « la loi doit s’appliquer ». Cela implique de notifier les personnes concernées de leur obligation de quitter le pays dans un délai de 20 jours, passé lequel « une procédure de renvoi forcé sera déclenchée ».

Leitão Amaro a toutefois reconnu les difficultés concrètes de mise en œuvre de ces décisions par l’AIMA. Il a aussi critiqué les partis PS (socialistes) et Chega, accusés d’avoir bloqué des propositions du gouvernement visant à accélérer les procédures de renvoi.

Depuis la dissolution de l’ancienne SEF (Service des étrangers et des frontières), le Portugal rencontre d’importantes difficultés pour appliquer les expulsions forcées. L’été dernier, le gouvernement avait proposé au Parlement des réformes destinées à rendre les procédures plus efficaces et plus rapides – notamment en ce qui concerne les délais et les recours.

Il va sans dire que la date choisie pour cette annonce – qui coïncide avec le lancement officiel de la campagne électorale – donne à cette nouvelle une certaine « coloration ». Nombreux sont ceux, sur les réseaux sociaux, à y voir une manœuvre électoraliste, voire un « coup de communication » voué à rester lettre morte. La question centrale reste : comment l’AIMA compte-t-elle localiser et expulser des personnes sans papiers qui, si elles ne veulent pas être trouvées, sont extrêmement difficiles à retracer ?

Du côté des partis de gauche, cette annonce est perçue comme une tentative cynique de transformer les immigrés en boucs émissaires, soit pour séduire l’électorat de Chega, soit pour détourner l’attention de mauvais résultats économiques – comme l’indique la contraction de 0,5 % du PIB annoncée récemment par l’Institut national de la statistique (INE) pour le premier trimestre 2024.

Les associations de défense des migrants sont quant à elles vent debout. Solidariedade Imigrante, l’un des plus importants collectifs de soutien, a publié ce message aujourd’hui : « L’expulsion n’est pas une solution ! Des solutions existent, et le gouvernement les connaît ! Nous continuerons à nous battre ! Courage, camarades ! Résister toujours ! »

En résumé, la nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le paysage politique et médiatique portugais. Mais son application effective reste pour l’heure tout à fait incertaine.

Le poste 18 000 «immigrants sans papiers» ne voulaient pas au Portugal est apparu en premier sur Résident du Portugal.

Share this story

PinIt
LinkedIn
Share
WhatsApp