“Les Savonnettes”, des cosmétiques bio et faits main à Lisbonne

Après une naissance au Maroc, une jeunesse en Norvège et un premier contact avec l’artisanat en France, Sohila gère aujourd’hui sa petite entreprise Les Savonnettes à Lisbonne. Ses savons et ses shampoings bio sont fabriqués à la main, avec des produits essentiellement trouvés sur place.

L’histoire des Savonnettes vient de loin, vous avez vécu et voyagé un peu partout et donc vous avez lancé une marque dont le nom est français. Pourquoi ?

Je suis née au Maroc, mais ma famille s’est installée quand j’avais 2 ans à Oslo et j’ai passé toute mon enfance et toute ma jeunesse en Norvège. En 2010, j’étais très attirée par Paris, j’avais étudié la langue française et j’y suis allée. J’y suis restée sept mois avant de voyager un peu partout dans le monde, sur les cinq continents. Un an en Australie, un an en Nouvelle-Zélande, puis je suis allée au Canada, aux Etats-Unis, en Amérique centrale, puis du sud, mais je suis longtemps restée en Asie du sud-est. J’ai travaillé un peu partout pour financer ces déplacements. En 2015, je suis retournée en France, pays auquel j’ai toujours été attachée, d’abord parce que j’ai vécu sept ans avec un Français. Je me suis installée à Grenoble, car j’avais rencontré des gens de là-bas en voyage, et j’ai trouvé qu’un esprit créatif soufflait sur cette ville, c’était très inspirant. Beaucoup de gens font des choses eux-mêmes, des huiles, des déodorants, des savons, etc.

C’est donc là-bas que vous avez eu l’idée de lancer la marque Les Savonnettes ?

Voilà, d’où le nom français. C’est à Grenoble que j’ai réalisé mes premiers savons, c’étaient mes premiers contacts avec l’artisanat. A côté, je bossais dans la restauration.

Quand est-ce que vous avez décidé de venir vous installer à Lisbonne et pourquoi ?

En fait, entre-temps, j’ai quitté Grenoble pour suivre une école de théâtre à Lyon, puis je suis rapidement partie à Paris pour commencer à travailler. Mais je ne me suis pas retrouvée dans le milieu des artistes, même si j’aimais ce que je faisais. Je suis venue en vacances à Lisbonne pour surfer et j’ai décidé de venir y vivre en septembre 2018. Je ne parlais pas portugais, donc j’ai abandonné le théâtre pour me lancer définitivement dans la fabrication de savons.

Aujourd’hui, quel genre de savons vous produisez ?

J’ai commencé par les savons 100 % à l’huile d’olive portugaise. J’en fais aussi des plus originaux à base de thé vert ou d’épices, comme le curcuma, la cardamome, à base d’huiles essentielles aussi bien sûr. Je fais aussi des savons au café recyclé. Mon café, je ne le bois qu’avec une cafetière italienne moka et donc je récupère le marc, je le fais sécher. Dans l’atelier où je travaille, je demande aussi à mes collègues de m’en mettre de côté. Je fais aussi des shampoings, qui demandent un dosage plus précis. Il faut bien plus réfléchir à l’équilibre des beurres ou des huiles. J’en fais aussi avec de la bière.

Où est-ce que vous avez appris à faire tout ça ?

Sur Internet. Il y a plein de tutoriels, notamment faits par des Américains, disponibles sur YouTube. J’ai appris avec eux les bases, puis ensuite je me suis renseigné, documenté, notamment sur la soude caustique, qu’il faut utiliser à la fois avec précaution pour la peau, mais suffisamment pour que ça mousse.

Aujourd’hui, vous travaillez dans un atelier partagé, dans le quartier de Penha de França à Lisbonne, vous fabriquez jusqu’à combien de savons par semaine ?

D’abord, je fais tout toute seule, avec seulement un blender pour mixer. Le reste est fait main. Donc ça dépend des périodes, de mon budget aussi, car je bosse avec les économies que j’ai pu mettre de côté par le passé. Si j’avais un investisseur, je pourrais en fabriquer tous les jours. Il suffit de reprendre les moules… Le but, actuellement, c’est d’en faire une petite centaine par semaine. Parfois, j’en fais moins, car je dois aller sur les marchés, répondre à des mails, m’occuper des livraisons, du site, de la partie administrative, du packaging. Ça prend du temps. A terme, j’aimerais avoir quelqu’un pour s’occuper des ventes.

Tous les ingrédients que vous utilisez sont locaux ?

Oui. Je passe par un site portugais, qui propose des amandes douces, etc. Sinon, je vais directement dans le quartier de Martim Moniz, à Lisbonne, car il y a plein de commerces indiens et c’est facile de trouver des épices. Je fréquente aussi des magasins bio qui font de l’argile, du bicarbonate de soude, que j’utilise pour faire des bombes de bain…

Des quoi ?

Des bombes de bain. Ce sont des petites boules d’huiles essentielles, utilisées pour des raisons aromathérapeutiques, qu’on plonge dans le bain, pour se relaxer et adoucir la peau. On choisit ses huiles en fonction de ce qu’on veut, certaines sont faites pour apaiser l’esprit, d’autres pour soulager les courbatures, d’autres encore sont préférées pour dégager des sinus bouchés, comme celles au romarin et au citron, par exemple.

Dans les différents produits que vous fabriquez, quels ingrédients utilisez-vous ?

De l’huile d’olive, de coco, du beurre de karité (qui vient d’Afrique, pour le coup, et que je commande via mon site portugais). Et puis de l’argile rouge marocaine, qu’on trouve aussi ici, du café, du curcuma, de la cardamome, de l’amande douce…

Comment expliquez-vous le succès des savons bio ? Rien qu’au Portugal, plusieurs entreprises se sont lancées dans ce commerce…

Je pense qu’il y a deux raisons à cela : les gens ont envie de prendre soin d’eux, de leur peau, mais ils réfléchissent aussi à la quantité de déchets qu’ils laissent derrière eux, dans la nature. Pour ma part, ça fait longtemps que je me pose ces questions, mais le déclic est vraiment venu quand je voyageais, quand j’allais travailler chez les gens. Nombreux étaient ceux qui utilisaient leurs propres produits pour se laver. Ils refusaient qu’on utilise des produits de supermarchés, à cause de leur contenant, d’abord, mais aussi des emballages. De moins en moins de gens sont dupes des mensonges de la publicité et insensibles à l’état de la nature qu’on partage. C’est pareil pour le surf…

C’est-à-dire ?

Les surfeurs utilisent de la wax [une cire qu’ils appliquent sur la surface supérieure de leur planche pour la rendre anti-dérapante, ndlr] qu’ils achètent chez Décathlon, c’est hyper chimique et ça va directement dans l’océan… C’est pour ça que je fais ma wax moi-même, désormais. Comme le dentifrice, le déodorant, mais je ne les commercialise pas encore.

Comment gérez-vous la distribution ? Vous allez sur les marchés lisboètes ?

Oui, celui d’Anjos par exemple, de la LX Factory aussi. Sinon, les clients peuvent commander sur mon site ou venir à mon atelier. On me contacte aussi pas mal via Instagram ou Facebook. Quant à la livraison, je prends en charge les frais d’expédition pour les pays d’Europe. Et il y en a un peu, mais pas beaucoup, à la charge des clients dans les autres pays.

Quels sont vos projets pour la suite ?

J’aimerais vraiment trouver quelqu’un qui s’occupe de vendre mes produits, pour me libérer du temps, afin de me concentrer sur la production, la créativité. J’aimerais sortir la wax dans l’année, le déodorant aussi. J’aimerais aussi peut-être être un peu plus visible, en ligne notamment. Développer l’aspect marketing.

Les Savonnettes

Site Internet : https://lessavonnettes.com/

Tél. : +351 938771970

Email : lessavonnetteslisboa@gmail.com

Photos : Tessy Morelli tessymorelli.com

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