Dans le plus ancien des quartiers lisboètes, le restaurant propose une gastronomie savoureuse aux goûts et textures inoubliables, mêlant produits portugais et savoir-faire français.
Au pied du Castelo São Jorge, dans le patio du Palacio Belmonte, construit en 1449 et où Vasco de Gama a séjourné à son retour des Indes, le Grenache nous ouvre ses portes. Les visiteurs et les résidents de la capitale connaissent ou sont certainement déjà passés par cette imposante porte rouge, qui donne sur une cour pavée et une jolie terrasse ombragée.
Au Grenache, tout a commencé avec un tableau. Philippe Gelfi, alors en week-end à Lisbonne, s’est rendu sur les recommandations d’une amie au fameux Palacio Belmonte pour admirer un tableau qu’elle avait vendu au propriétaire des lieux, Frédéric Coustols. Ce dernier était à la recherche d’un collaborateur pour gérer son restaurant et a proposé le poste à Philippe qui, curieux, a accepté l’offre. Le nouveau gérant de l’espace, ouvert en mai 2019, n’avait alors aucune expérience des questions administratives, et confesse qu’il lui arrive parfois aujourd’hui de passer une journée entière sans toucher une casserole. Arrivé à Paris il y a quelques années, il a tout d’abord travaillé au sein du groupe Pierre Sang, notamment au restaurant franco-coréen d’Oberkampf, puis à La Réserve, le fameux deux étoiles Michelin de l’avenue des Champs Élysées.
Le nom, Grenache, rappelant le cépage français, est un hommage aux origines du cuisinier et de Quentin, le responsable en salle, à Avignon « la capitale des Côtes-du-Rhône, et au Châteauneuf-du-Pape où le grenache est roi. »
Ce petit établissement, à la décoration sobre et ponctué d’œuvres d’art, moderne et un poil industriel, n’est pas à proprement dit un restaurant français : « On veut mettre en avant les produits portugais, mais comme nous venons de France, on utilise des techniques de chez nous. C’est l’expérience française au service des produits portugais », explique Philippe. On retrouve malgré tout quelques clins d’œil à la gastronomie de l’Hexagone avec un pâté en croûte et un baba au rhum. La carte se compose de quatre entrées, quatre plats et trois desserts : « Elle est assez restreinte, ce qui est un gage de qualité. On va juste la faire évoluer et changer des éléments selon la saison, toutes les deux ou trois semaines. »
Pour commencer, des raviolis à la ricotta, câpres et olives, ponctués de tomates cerises et d’eau de tomate (14 €), un carpaccio de daurade, agrémenté d’un sorbet aux agrumes et au curry (14€), un pâté en croûte de canard et olives vertes, mariné au gin (15€) ou encore du poulpe, accompagné d’avocat, d’ail noir et de quinoa croquant (17€).
En plat principal, on a le choix entre un risotto aux poivrons rouges fumés, sardine marinée au citron et au paprika (20€), un suprême de poulet et sauce à l’estragon, cannelloni de courgettes et fromage de brebis (21€), un filet de porc noir portugais, assorti de différentes textures de pommes de terre et un jus de viande aux anchois (23€) et pour finir, un pavé de morue avec poireaux, huîtres et algues Nori (25€).
Pour conclure en beauté, le chef propose une assiette de fromages portugais, figues fraîches, sorbet aux figues, gelée de sangria aux fruits rouges et brioche au thym (12€), un « Baba au rhum », ananas poché, fruit de la passion frais et sorbet exotique (11€) ou un fondant au chocolat et citron vert, glace au pop-corn et piment, et feuilles de cacao croquantes (11€).
Il est par ailleurs possible d’opter pour un menu dégustation, composé de six (64€) ou huit plats (82€).
Tout au long de sa carrière, le chef a alterné cuisine et pâtisserie. Il aime jouer avec les textures et ses plats sont présentés de façon presque artistique. C’est le côté pâtissier de Philippe que l’on retrouve dans le dressage et dans l’utilisation des ingrédients, servis sous forme de sorbets, de mousses et de coulis.
« J’aime inclure la pâtisserie, qui est très précise et stricte, dans la cuisine qui elle, est beaucoup plus libre. C’est très intéressant. Je travaille en ce moment à l’élaboration d’un saumon avec un sorbet de pomme, aneth, et tapioca. C’est beaucoup de travail en amont, mais j’essaie de jouer sur les consistances, de balancer entre sucré-salé, chaud-froid ou acide et amer. »
Son expérience au Portugal est pour le moment plus que positive, et le jeune avignonnais en apprécie les produits du terroir. D’ailleurs, il ne se fournit qu’auprès de producteurs locaux : « Un mois avant l’ouverture, comme on ne connaissait personne, on est allés au Time Out Market et on a rencontré des chefs, demandé des conseils, et c’est comme ça qu’on s’est fait notre réseau de fournisseurs. » Ici, rien n’est importé de France, à part le vin, qui fait partie intégrante du lieu. On retrouve certains des plus grands noms français comme La Grange des Pères ou le Château des Tours d’Emmanuel Reynaud.
De par son emplacement, la clientèle du Grenache est plutôt composée de touristes mais de plus en plus de résidents portugais et français fréquentent l’établissement. Un tout nouvel espace, Le Petit Grenache, est dorénavant sous la direction de Phlilppe Gellfi. Il s’agit d’un café et bar à vin décontracté, avec une belle terrasse adjacente à celle de son aîné, qui propose des petiscos (tapas), comme des planches de charcuterie et de fromages portugais.
Johanna Trevoizan