Voilà bientôt soixante-dix ans que Santini régale les familles. Avec ses recettes traditionnelles, ses ingrédients 100 % naturels et son accueil sans égal, le glacier est devenu au fil du temps le plus populaire du Portugal. Lui rendre visite est un rituel incontournable.
Texte Alexandra Stilwell
« Je suis pratiquement né dans le magasin, confie Eduardo Santini Fuertes, petit-fils du fondateur de la marque Santini. Dès que je suis sorti de la maternité, mes parents m’y ont amené et m’ont donné de la crème glacée. » A 42 ans, ce dernier dirige aujourd’hui l’entreprise de la famille, qui produit donc depuis trois générations « il gelati piu fini del mondo » (« la meilleure crème glacée du monde », en italien), le slogan depuis l’origine.
Eduardo a commencé à travailler au magasin lorsqu’il était encore un jeune adolescent, se consacrant corps et âme à l’entreprise créée par son grand-père, Attilio Santini, qui ouvrit en 1949 le premier magasin sur la plage de Tamariz à Estoril.
Originaire d’Italie, de Cortina d’Ampezzo, lieu connu pour ses crèmes glacées, Attilio est d’abord passé par la France et l’Espagne, avant de s’établir au Portugal. Cet homme sociable, qui se faisait facilement des amis, connaissait bien le consul portugais à Valence, lequel lui suggéra d’aller s’installer dans la zone de Cascais et Estoril. « C’était une destination en forte croissance, qui accueillait à l’époque toutes les têtes couronnées d’Europe », rappelle Eduardo.
Effectivement, son grand-père devint ami des rois d’Italie et d’Espagne. Ce dernier, surtout, était un client régulier du glacier. Tant est si bien que Juan Carlos Ier et sa famille avaient même l’habitude d’aller chez Atillio, qui habitait au dessus du magasin, pour enfiler leur maillot de bain avant d’aller à la plage.
Grâce à sa personnalité extravertie et sa gentillesse, l’Italien s’est constitué, avec le temps, une clientèle fidèle et a même initié un nouveau rituel parmi les résidents de la côte : celui d’aller chez Santini. Comme un pèlerinage.
En 2009, la moitié du capital de l’entreprise a été vendue à la famille De Botton. C’est donc avec Martim de Botton, le fils du président de Logoplaste (le spécialiste portugais de la fabrication d’emballages rigides en plastique), qu’Eduardo est au commandes. Depuis cette réorganisation, la marque connaît une forte expansion. Neuf magasins ont ouvert et deux autres sont en attente. « Le dixième sera implanté au Parque das Nações, à Lisbonne, et le onzième, je ne peux pas encore vous le dire », affirme ce dernier.
Interrogé sur la possibilité d’en ouvrir un en Algarve, Eduardo admet que lui et les siens aimeraient beaucoup. « Mais cela exigerait une logistique différente, plus de quantité, et nous sentons que nous ne sommes pas encore prêts », confie celui qui, déjà pour l’ouverture d’une enseigne Santini dans le quartier touristique du Chiado à Lisbonne, redoutait des problèmes de logistique et d’approvisionnement (la production des glaces étant toujours assurée dans l’usine de Carcavelos). Cependant, les craintes ont été rapidement surmontées, la qualité a été maintenue et le succès est aujourd’hui évident, au regard de la file de clients qui se forme quotidiennement devant la porte.
En plus de ses neuf magasins actuels (Cascais, Cascais Baía, Carcavelos, São João do Estoril, Belém, LACS, Mercado da Ribeira, Chiado et Porto), Santini noue également des partenariats avec la mairie de Cascais et, plus récemment, est à l’origine d’un nouveau concept avec l’aide de la boutique O Moço dos Croissants, à Campo de Ourique : servir une boule de glace dans un cornet de croissant. Un péché gourmand !
« L’une des conditions était de maintenir la production comme celle de mon grand-père, assure Eduardo. Bien sûr, nous avons ajouté quelques saveurs, mais toujours en utilisant les mêmes techniques. »
Aujourd’hui, Santini propose environ 400 parfums différents. « Une vingtaine maximum sont proposés constamment en magasin. Ils changent chaque mois, selon les fruits et les saveurs de saison. » Tout est frais et portugais, à l’exception des fruits tropicaux. L’exigence avec les ingrédients, elle, est primordiale. « Aujourd’hui-même, nous avons renvoyé un chargement de fraises, car il ne répondait pas à nos exigences, témoigne Eduardo. Nous devons faire très attention, car c’est de la glace artisanale. Nous n’utilisons aucun colorant, ni produit chimique. Notre glace est 100 % naturelle. »
Pour les nouveaux parfums, l’entreprise suit les goûts de ses clients. « Nous avons, par exemple, créé le “doce d’ovos” (au jaune d’œuf sucré, typique des desserts conventuels), et puis un autre à la boule de Berlin, qui fait un carton en été. » Certains parfums peuvent même être créés sur commande, « à partir de 5 à 10 litres de glace » : « Comme nous travaillons de manière artisanale, cela nous permet de faire de petites quantités. »
La prochaine génération de la famille Santini s’intéresse déjà au métier. Eduardo a deux fils, Manuel, 11 ans, et Martim, 7 ans. « Manuel aime ça, il a déjà créé une glace. Nous avons un parfum qui s’appelle “la crème glacée de Manuel”, » raconte fièrement son père. « Un jour, il nous a dit qu’il voulait faire une glace à la grenade, avec des morceaux de framboise. On a tout mis en place et, en effet, ce mélange est excellent. » Mais même s’il souhaite qu’un jour ses fils reprennent les rênes, Eduardo admet que le passage de témoin ne doit pas être forcé : « Ce sera leur choix. »