Une nouvelle vie

Alexandra Gonin

Actrice et ballerine, Alexandra Gonin a vendu son appartement à Paris pour acheter une ancienne résidence à Olhão. Elle compte la rénover petit à petit, de ses propres mains, la transformant en « maison artistique » pour toute la communauté.

Texte et photos Bruno Filipe Pires

« En mai de l’année dernière, je suis venue en vacances avec ma mère. L’idée était de visiter plusieurs endroits, de Faro à la frontière Espagnole. Nous avons passé quelques semaines ici, à Olhão, et j’ai tout de suite adoré », dit Alexandra Gonin, 49 ans, ancienne ballerine à l’Opéra de Paris. « J’ai vu de nombreuses petites maisons à vendre, mais ce fut le dernier jour, avant de partir, que quelqu’un nous a montré cet incroyable bâtiment datant de 1923. Dès mon retour à Paris, j’ai vendu mon appartement et j’ai appelé pour leur dire que je voulais l’acheter », se souvient-elle.

« J’ai toujours rêvé de créer une résidence pour artistes, mais je n’aurais jamais cru pouvoir avancer aussi vite », admet-elle. Avec une carrière reconnue dans son pays, Alexandra Gonin a un excellent réseau dans l’univers culturel français, qu’elle veut rapidement défier à découvrir Olhão. C’est ainsi qu’elle est devenue une ambassadrice inattendue pour la ville. « Acteurs, peintres, chanteurs, écrivains, je connais beaucoup de gens créatifs de toute l’Europe. J’aimerais beaucoup qu’ils viennent ici et qu’ils puissent travailler dans une résidence artistique, et de préférence, la partager avec la communauté ».

Mais tout d’abord, les portes s’ouvrent à ceux qui sont ici. Au mois de mars, elle a inauguré sa première exposition collective au rez-de-chaussée, avec des œuvres de Justine Albronda, Piers Laszlo, Meinke Flesseman, Jeffrey Gaylord Carter, Edwin Hagendoorn Paulo Gago, Cecilia Persson Carter, Paulo Serra, Jill Stott, Diederik Vermeulen et Antonia Williams. Les murs sont bruts et les conditions sont minimes, mais il y a une énergie qui semble aussi faire partie du bâtiment. Ceux qui passent y jettent un coup d’oeil, et il y a ceux qui osent entrer pour voir les tableaux qui dépeignent des intérieurs, dans la plupart des cas, des maisons comme celle-ci.

Pleine d’énergie, Alexandra Gonin continue d’expliquer le projet. « Je ne sais pas grand chose sur la vie de la famille Cocco à qui appartenait la maison, mais nous essaierons de faire un petit livre avec de vieilles photos et de raconter comment s’est passé le processus de conservation et de restauration. Là, à l’entrée, nous voulons avoir une fresque où nous pouvons avoir des souvenirs de ce qui se passe ici. Par exemple, si un auteur a déjà écrit un poème ici, nous voulons qu’il soit disponible pour tous ceux qui veulent le lire ou l’acheter. Si nous avons un musicien qui vient ici pour enregistrer des chansons, ou pour un concert, nous voulons avoir l’enregistrement. Qui était là et ce que chacun a fait », explique-t-elle avec enthousiasme.

En se référant à la famille Cocco, Alexandra dit, « ce sont eux qui l’ont construite et ils sont très heureux que je l’ai achetée. C’était une préoccupation pour eux, car ils ne voulaient pas qu’elle soit démolie pour laisser place à un autre bâtiment froid et sans âme. Ce sont des gens fantastiques, en fait, ils m’ont donné beaucoup plus que leur maison. Ils m’ont également donné une histoire qui mérite d’être partagée », promet-elle. Cet espace a déjà eu plusieurs utilisations, il a été loué, a abrité un commerce et a servi d’entrepôt. Cependant, il y avait encore des boîtes de conserve avec le nom de la famille italienne. « Elles sont fantastiques. Quand nous sommes venus ici pour la première fois, il n’y avait pas d’électricité et tout était sombre. Ma lampe de poche a reflété sur les boîtes de conserve et j’ai pensé, mon Dieu, qu’est ce qu’elles sont belles! » plaisante-t-elle. « Quand j’ai appelé pour acheter la maison, c’était l’une des demandes que j’ai faites: je la veux telle qu’elle est, et avec tout le contenu. » L’accord a été respecté.

« Je n’ai pas eu le temps de faire du tourisme. Je suis tombée amoureuse de la maison, de la ville, j’ai rencontré des gens et j’ai pris ma décision », dit-elle. Elle n’a pas peur de récupérer le bâtiment centenaire, car, bien qu’elle soit ballerine, elle a déjà restauré sept anciennes maisons toute seule, au long de sa vie. « Il l’a fallu. J’ai commencé par un petit studio puis je suis passée à de plus grands », parfois selon les besoins de la vie familiale. « Certaines parce qu’elles étaient plus proches de l’école de mes enfants, d’autres parce qu’elles avaient vraiment besoin de quelqu’un pour les retaper. Mais la vérité est que chacune était plus grande que la précédente. C’est une question de motivation. En fait, danser Le Lac des Cygnes n’est pas tellement différent », plaisante-t-elle.

« Depuis 6 mois c’est un chantier enchanté, avec une équipe d’artisants-artistes du bâtiment, Paulo et Mourta de Olhão, qui ont su rendre à cette belle demeure son authenticité. Grâce à eux les travaux avancent vite et la façade est terminée, les appartements qui recevront les professeurs intervenants ou les artistes en résidence sont bien avancés, et la salle de danse sera la prochaine étape. J’espère ouvrir la Casa Artistica de Olhão par une exposition dans la salle principale en 2018 ».

« Rencontres et Partages, cela pourrait être en deux mots le projet de la Casa Artística », remarque Alexandra. « Je me suis rendu compte qu’il y a beaucoup que je peux faire en plus des cours de danse. Il y aura des cours d’art pour tous, de 7 à 77 ans: de danse, de chant, de théâtre, d’art plastique, et de photographie. Un festival de court métrage se met en place actuellement avec une session de formation sous forme de stage « écrire et réaliser un court métrage » avec des intervenants professionnels pour faire découvrir les métiers de l’image et du cinéma à nos jeunes, ou moins jeunes, “Olhanenses” », dit-elle.

Malgré son début rapide, la Française n’est pas pressée de terminer. « Ce ne sera pas un projet pour gagner de l’argent. Ceux qui veulent faire des expositions ici, doivent seulement m’aider à payer l’électricité. Juste cela. Ce n’est pas mon projet personnel. C’est quelque chose à partager. J’espère que les gens viendront et pourront trouver quelque chose d’intéressant à contempler, et qu’ils pourront se sentir touchés par l’art », conclut-elle.

www.facebook.com/AlexandraCasaArtistica
casaartisticaolhao@gmail.com

 

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