Le cœur à Rio, la tête à Lisbonne

Roman Carel

Depuis quelques années, les Brésiliens se bousculent pour investir dans l’immobilier au Portugal. Une dynamique que l’on doit en partie au « franco-carioca » Roman Carel, qui a su très tôt leur parler et les convaincre de l’attractivité de Lisbonne.

Texte Vincent Barros

Il fut l’un des premiers à parier sur Lisbonne, sur le potentiel de son marché immobilier, à l’attractivité duquel il a contribué, principalement au Brésil où il vit. Et ce, bien avant que les magazines consacrent la capitale portugaise comme la meilleure ville au monde pour, au choix, travailler, entreprendre, se balader, y passer sa retraite ou simplement s’aventurer le temps d’un week-end. Tant est si bien que dans un récent portrait, la revue QG le présentait comme « le Moïse du nouvel exode des Brésiliens vers le Portugal ».
« Soyez sympa, ne m’appelez pas comme ça dans votre article », quête Roman Carel. Entendu. Le Français, à la tête de l’agence immobilière Athena Advisers qu’il a fondée en 2003, récuse l’épithète – « je suis loin d’être le Messie » – mais assume son rôle de précurseur. « J’étais définitivement un des premiers à organiser, au Brésil, des séminaires sur le Portugal. J’ai même été remercié par l’ambassadeur portugais là-bas : il m’a dit qu’il n’avait jamais vu un étranger faire une aussi belle publicité pour son pays. Ça m’a donné une forme de crédibilité, parce que j’étais en amont d’entreprises purement commerciales qui surfent aujourd’hui sur la vague que j’ai contribué à créer. »
Après des années d’analyse, d’écoute et de terrain, les résultats sont là. Selon le bilan annuel récemment communiqué par l’Apemip (Association des professionnels et des entreprises du secteur immobilier au Portugal), « l’investissement brésilien est celui qui a le plus augmenté, représentant déjà près de 19% des achats de biens par des étrangers au Portugal ». Les Français dominent toujours ce classement (29%), devant les Anglais (11%), les Chinois (9%) et les Angolais (7%). Dans le détail, si les Français préfèrent l’Algarve, les Brésiliens sont les investisseurs étrangers les plus actifs à Lisbonne et à Porto, où ils achètent principalement des T2 et des T3. « Et cette dynamique est loin d’être terminée », assure Roman Carel, dont la société connait « une croissance importante ». En 2017, ses clients brésiliens ont injecté 41 millions d’euros dans l’immobilier portugais (80 en tout ces dernières années).
Un pari réussi pour ce Parisien d’origine, 40 ans, petit-fils des fondateurs de la Maison Carel, célèbre marque de chaussures et de sacs pour femmes. Au lieu de reprendre les affaires familiales, Roman a préféré se démarquer en créant, à l’âge de 22 ans, sa première entreprise – un outil de comparaison des prix en ligne racheté par Pricerunner.com en 2002 – avant de se lancer pleinement dans l’immobilier. Avec le Brésil toujours dans un coin de la tête. « J’ai une maison là-bas depuis 2003. Quand je vivais à Londres, j’y allais souvent pour les affaires mais aussi pour le kitesurf – qui est un peu devenu le nouveau golf – et j’ai trouvé un coin superbe, à Taiba, dans le nord du Brésil, pour le pratiquer. Et en 2008, marié à ma femme suédoise, je me suis dit qu’il serait sympathique de tenter une aventure dans une république bananière », plaisante-t-il. Plus sérieusement : « Il y a une vraie crise sociale au Brésil. Le paysage politique est effarant. Et il faut savoir que ces cinq dernières, le real (la monnaie brésilienne) s’est affaibli de presque 60%. Beaucoup d’investisseurs brésiliens ont donc cherché ailleurs. » Roman Carel a su leur parler, les convaincre de se détourner de Miami – où ils investissent traditionnellement – pour le Portugal.
En 2012, le pays a opportunément mis en place plusieurs mesures visant à attirer les capitaux étrangers. Le statut de résident non habituel (RNH) pour dix ans, la fiscalité avantageuse qui va avec, notamment celle concernant les revenus liées à la location. Et surtout, le Portugal a été le premier d’Europe a lancé le dispositif des « visas d’or », qui offrent un titre de séjour de cinq ans dans l’espace Schengen à ceux qui investissent au minimum 500 000 euros dans l’immobilier. Ces derniers peuvent également demander la nationalité portugaise au bout de six ans. « Pour les investisseurs brésiliens qui veulent diversifier leur patrimoine et mettre un pied en Europe, le Portugal est un réflexe, c’est naturel, explique Roman Carel. Du coup, 70% de nos clients y ont donc acheté en bénéficiant du visa d’or. Et puis, le mètre carré lisboète est actuellement le plus accessible d’Europe. »
Sur place, Athena Advisers, dont les bureaux à Lisbonne sont situés sur l’avenida da Liberdade, prend le relais. Forte de quinze ans d’expérience, l’agence propose, comme à Londres, à Paris, à Barcelone ou encore dans les Alpes français, un accompagnement sur mesure à ses clients. « Ce sont principalement des entrepreneurs ou des financiers qui veulent diversifier leurs placements. Beaucoup d’entre eux, on le note de plus en plus, sont des Portugal du Brésil qui rentrent au Portugal », précise Roman Carel, qui a relevé une particularité aux investisseurs brésiliens. « Comme les Français, ils sont particulièrement difficiles. Bien plus, par exemple, que les Américains ou les Sud-Africains. Ils sont à l’affût et se méfient de tout. Ils vont toujours chercher à savoir s’il n’y a pas un meilleur deal à côté. Ils ne voient pas forcément notre valeur ajoutée. Il faut plusieurs étapes pour créer un lien de confiance. C’est lié je pense à leur marché qui est, disons-le, arriéré. Ils ont peur que les promoteurs lâchent en cours de route. Les nôtres sont sûrs à 100% et s’il y a le moindre problème, on monte directement aux créneau pour défendre nos clients. »
Pour achever de les convaincre, Roman Carel dit insister énormément sur le lifestyle qu’offre le Portugal, et qui attire d’ailleurs de plus en plus d’Américains de la Côte Ouest. Mais le Parisien en a succombé à un autre, de lifestyle, celui de Rio de Janeiro, où il vit depuis cinq ans. Sa famille occupe l’ancienne maison de l’iconique chanteuse Elis Regina. « C’est un hasard, nous ne savions pas qu’elle y avait vécu. Notre passion pour sa musique, qui est géniale, est née de ce hasard. Cette maison a une âme, nous en sommes tombés amoureux instantanément. Et la vie y est intense, animée par les trois enfants que nous avons eu ces cinq dernières années. »
De Paris à Rio, en passant par Londres, le « franco-carioca » Roman Carel a donc contribué à faire de Lisbonne une capitale à la mode, destination privilégiée des Brésiliens. Oublions « Moïse », alors, et tenons-nous aux deux adjectifs qu’on lui prête sur le site de son agence : entrepreneur et globe-trotteur.

www.athenaadvisers.com/fr/

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