Expatriés, n’oubliez pas de porter une attention toute particulière à votre régime matrimonial. Vous pourriez bien, sans le savoir, en changer plusieurs fois au cours de votre vie, en particulier si vous n’avez pas signé de contrat de mariage.
Le régime matrimonial régit les droits des époux entre eux, pendant le mariage mais également lors de la dissolution de celui-ci : partage des biens en cas de divorce, évaluation de la succession en cas de décès.
Il existe principalement deux familles de régimes : communautaires ou séparatistes, avec de nombreuses variantes dans ces deux catégories et suivant les pays : le régime de la séparation de biens français est différent du régime de la séparation de biens du Portugal.
Pour mémoire, le régime français par défaut est celui de la communauté réduite aux acquêts. Au Portugal, le régime par défaut est sensiblement équivalent, dans un cadre beaucoup moins souple !
Les principes de la Convention de La Haye
En 1992, la France fait partie des quelques rares pays signataires de la Convention de La Haye, qui définit certaines règles applicables aux régimes matrimoniaux dans un contexte de mobilité internationale.
En l’absence de contrat de contrat de mariage, la loi applicable au régime matrimonial d’époux mariés avant le 1er septembre 1992 est en principe déterminée par le lieu de fixation du premier domicile matrimonial. La loi ainsi désignée régit l’ensemble des relations patrimoniales des époux quel que soit le lieu de situation de leurs biens. Ce critère de rattachement est permanent : la loi du premier domicile matrimonial s’applique pour toute la durée du mariage, même si les époux déménagent dans un autre Etat.
Concernant les couples s’étant mariées après le 1er septembre 1992, en revanche, leur régime matrimonial restera le régime initial de leur mariage, mais celui-ci peut malgré tout donner lieu à des surprises. En effet, à défaut de choix exprimé par les époux avant le mariage, la loi applicable sera en principe celle de leur première résidence habituelle, avec quelques exceptions, puisque la convention prévoit certains cas de mutabilité automatique:
lorsque les époux résident plus de dix ans dans un Etat après le mariage ;
lorsque les époux fixent leur résidence dans l’État de leur nationalité commune ;
pour les époux qui n’avaient pas établi sur le territoire du même Etat leur résidence habituelle après le mariage (et dont le régime matrimonial relevait en conséquence de la loi de l’Etat de la nationalité commune), lorsqu’ils fixent leur résidence habituelle dans un même Etat. Cette mutation automatique du rattachement n’a d’effet que pour l’avenir
De l’importance du contrat de mariage
Selon la Convention de La Haye, les époux rédigeant un contrat de mariage avant ou à n’importe quel moment pendant le mariage, pourront choisir entre les régimes et lois soit d’un état :
dont ils ont l’un ou l’autre la nationalité ;
où au moins l’un des deux a sa résidence habituelle au moment du contrat ;
où au moins l’un des deux établira sa résidence habituelle après le mariage.
Pour les biens immobiliers, les époux pourront choisir également la loi du pays dans lequel ces derniers sont situés. Ce régime sera alors stable, quels que soient les changements de vie des époux, en particulier la résidence.
Bref, vous l’aurez compris, dans un contexte international, seul un contrat de mariage peut assurer aux époux la sécurité et la stabilité juridique. Si le contrat n’a pas été établi avant le mariage, le notaire trouvera le plus souvent un moyen d’y remédier en utilisant, par exemple, l’article 6 de la Convention de La Haye sur le changement de loi applicable.
Cependant, la loi de certains pays n’autorise pas le choix de régime matrimonial, qui est dit immutable… C’est, à ce jour, le cas du Portugal, qui ne fait d’ailleurs pas partie des signataires de la Convention de La Haye en matière de régimes matrimoniaux.
Les paradoxes du droit Portugais
La loi Portugaise peut sembler claire a priori : Le régime matrimonial des époux et leur éventuel contrat de mariage sont régis par le droit national commun aux époux au moment du mariage. S’ils n’ont pas la même nationalité, le droit du pays où ils ont leur résidence commune habituelle au moment du mariage est d’application. S’ils n’ont pas de résidence commune habituelle, le droit applicable est celui du pays où le couple marié a résidé en premier lieu.
Toutefois, les dispositions sont plus troubles lorsque le régime matrimonial prend fin : en cas de décès ou de divorce, le droit Portugais n’admet aucune communauté, ni aucune donation au dernier vivant. Même si les époux ont stipulé que la communauté universelle des biens s’applique à leur patrimoine, ils ne reçoivent que ce à quoi ils auraient droit en vertu du régime légal de la communauté de biens.
Ainsi, à ce jour, en cas de décès de l’un des époux, même s’il s’agissait d’un régime de communauté de biens, celle-ci est partagée. Tout d’abord, les patrimoines personnels des époux sont séparés. Ensuite, les compensations et les dettes sont payées. Enfin, chaque époux reçoit la moitié de la communauté de biens. La règle des parts égales est obligatoire. Tout contrat qui en dispose autrement est nul et non avenu, d’après l’article 1730 du code civil portugais. L’époux survivant reçoit sa part de la communauté de biens, tandis que l’autre part est affectée au patrimoine du défunt, qui est divisé conformément aux dispositions du droit des successions. L’époux survivant reçoit la même part du patrimoine que les enfants. Toutefois, la part de l’époux ne peut être inférieure à un quart de l’héritage (art. 2139 du code civil portugais). En l’absence de descendance, et lorsque seuls survivent au défunt l’époux et les ascendants du défunt, l’époux survivant reçoit deux tiers du patrimoine. Lorsque le défunt ne laisse ni descendants ni ascendants mais uniquement un époux / une épouse, l’intégralité de l’héritage revient à ce dernier / cette dernière.
De même, en cas de divorce, et même si les époux ont stipulé que la communauté universelle des biens s’applique à leur patrimoine, chacun ne reçoit que ce à quoi il aurait droit en vertu du régime légal de la communauté de biens.
Face à ces nombreux paradoxes, mieux vaut être vigilant quant à votre régime matrimonial, et penser à le valider de part et d’autre des Pyrénées.
De l’importance du testament
De manière à contourner les zones d’ombres laissées par des législations nationales contradictoires en termes de protection du conjoint survivant, une étape décisive de la simplification des successions transfrontières a consisté dans l’adoption, le 4 juillet 2012, d’une nouvelle réglementation de l’Union Européenne destinée à aider les citoyens à traiter les aspects juridiques d’une succession ayant des incidences transnationales. Ces nouvelles règles s’appliquent depuis le 17 août 2015.
Ce règlement apporte essentiellement le principe de l’unicité de la loi successorale : désormais une seule loi nationale viendra régir l’ensemble de la succession. Par défaut, il s’agira de la loi de la résidence habituelle du défunt mais elle pourra être aussi sa loi nationale si la personne a procédé à ce choix avant sa mort. Il faut noter que le règlement a une portée universelle. Ainsi, par défaut, un ressortissant Français qui résiderait habituellement à Lisbonne aurait le droit portugais applicable à sa succession, sauf s’il avait opté précédemment pour le droit français.
Les français vivant au Portugal peuvent prendre attache avec leur notaire pour discuter de l’éventuelle nécessité d’un choix de loi. En effet, nous l’avons vu, les règles relatives à la réserve et à la protection du conjoint survivant sont beaucoup moins souples dans le droit Portugais.
Le règlement a créé également un certificat successoral européen (« Certificado Sucessório Europeu »). Il s’agit d’un document délivré par l’autorité chargée de la succession, que les héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires ou administrateurs de la succession peuvent utiliser pour prouver leur qualité et exercer leurs droits ou pouvoirs dans d’autres États membres. Une fois délivré, le CSE est reconnu dans tous les États membres sans qu’une procédure spéciale soit requise.
Et la fiscalité dans tout ça?
Notons par ailleurs que le règlement ne régit que les aspects de droit civil. La fiscalité successorale n’est pas impactée par le règlement européen. En tant que résidents Portugais, les droits de mutation (succession/donation) sont de 0% pour les descendants, ascendants conjoints et concubins (« união de facto »), 10% pour les autres catégories de bénéficiaires.
Toutefois, attention, même en tant que résident Portugais, ce sera bien la fiscalité française qui s’appliquera si vos biens situés en France, si vos héritiers sont résidents français.
Vous souhaitez protéger vos proches ? N’hésitez pas à nous solliciter, nous restons à votre disposition.
Claire Teixeira
Adiministrateur Exécutif
Optimize Patrimoine
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