Gaza : chronique d’une extermination

Gaza (shubham-singla-unsplash)Photo: Shubham Singla/Unsplash

Très peu ont survécu au-delà de l’âge de la retraite

En avril 1919, à Amritsar, dans le Pendjab, un détachement de tirailleurs de l’armée coloniale britannique ouvrait le feu, tirant 1 650 balles sur une foule désarmée rassemblée dans un jardin clos. Les civils célébraient la fête de Baisakhi et manifestaient pacifiquement contre l’emprisonnement de deux de leurs leaders. Bilan : 379 morts et plus de 1 000 blessés graves.

Lors de l’enquête qui a suivi, le commandant, le brigadier-général Reginald Dyer, admit avoir connaissance de la présence de femmes et d’enfants, mais justifia le carnage en invoquant un « danger politique ». Pour cet acte, il fut simplement réprimandé et muté — sans autre sanction. De retour en Angleterre, il fut célébré en héros national par les banquiers et commerçants de l’élite, soucieux de maintenir la domination sur les sujets indiens de l’Empire.

En décembre 2020, au Portugal, seize chasseurs espagnols abattaient 540 animaux (essentiellement des cerfs et des sangliers) à l’arme automatique, dans le domaine clos de Torre Bela, à Azambuja. Selon eux, cette opération avait été facilitée par un groupe de promoteurs ayant reçu 775 hectares pour y installer une centrale photovoltaïque. Le domaine servait également de destination touristique pour les invités privilégiés de grandes entreprises.

La publication de photos montrant les carcasses alignées en formation militaire, et les chasseurs posant fièrement, a provoqué un tollé chez les défenseurs des droits des animaux — mais aussi parmi les chasseurs portugais, qui ont dénoncé un massacre non réglementé et contraire à l’éthique de la chasse.

L’enquête policière, judiciaire et administrative (ICNF, mairie, tourisme) a été entravée par l’opacité du système judiciaire et l’anonymat des propriétaires et promoteurs. En janvier 2025, la RTP rapportait que des travailleurs agricoles avaient été sommés de capturer les animaux survivants à l’aide de filets et de cordes pour les laisser mourir de faim et de soif.

Aux États-Unis, la “turkey shoot” est une pratique courante : des dindes numérotées sont entassées dans un enclos et les participants remportent des prix en fonction de la rapidité avec laquelle ils les abattent.

On pourrait se demander pourquoi ces tueries dans des espaces clos choquent davantage que les morts quotidiennes dans des abattoirs ou sur les champs de bataille.

Mais la soif de sang mondiale est enracinée dans l’héritage impérialiste, qui considère les animaux, les esclaves, les ouvriers forcés — et même les soldats — comme des objets jetables, dotés d’un statut juridique quasi nul. Cela autorise les puissants à les maltraiter ou les massacrer en toute impunité.

Tel est le cas des deux millions de Palestiniens vivant à Gaza, une bande côtière de 365 km² cernée de clôtures et de patrouilles maritimes. 47 % de la population a moins de 18 ans et très peu atteignent l’âge de la retraite.

Depuis 1948, l’État israélien a forcé le déplacement des Palestiniens vers des camps de réfugiés, après avoir rasé leurs maisons et terres agricoles. Depuis, le peuple de Gaza endure privation, humiliation, famine et exécutions dans des proportions croissantes, pendant que l’État israélien ignore les résolutions de l’ONU sur la création d’un État palestinien réunissant Gaza et la Cisjordanie.

Récemment, des ministres israéliens ont tenu des propos ouvertement haineux. Yoav Gallant, alors ministre de la Défense, déclarait :

« Il n’y aura ni électricité, ni nourriture, ni carburant. Nous combattons des animaux humains, et nous agissons en conséquence. »

Le 6 mai, Bezalel Smotrich, ministre des Finances, annonçait devant un public de colons extrémistes qu’entièrement vider Gaza de sa population était prévu dans les six mois. La population serait déplacée vers le Corridor de Morag, étroite bande entre Khan Younès et la frontière égyptienne.

L’armée israélienne (Tsahal) poursuivrait alors la destruction de Gaza centre et nord, sans considération pour les vies humaines, tandis que la reconstruction serait lancée sur les terres désertées, dans le but de créer le « Florida d’Israël » rêvé par Donald Trump — probablement avec le recours au travail forcé des réfugiés du Corridor.

Les massacres répétés — les « turkey shoots » de ces 28 000 jours d’occupation — se poursuivront sans doute, leurs auteurs échappant à la justice, comme les généraux et les chasseurs d’autrefois.

Le poste Le tournage de la dinde à Gaza est apparu en premier sur Résident du Portugal.

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