La terre du milieu : Escapade à Tomar

En plein cœur du pays, juste au nord de Leiria, montagnes, châteaux et autres prouesses architecturales se rencontrent pour offrir aux visiteurs un séjour sur les traces d’un passé glorieux

On ne connaît que très peu le centre du Portugal. Cette affirmation se fait sans critique aucune et se justifie aisément par la richesse des paysages et de la côte qui borde Lisbonne, l’Alentejo et l’Algarve. Pourtant, cette région montagneuse composée de plages et de forêts joue un rôle de grande ampleur dans l’Histoire et mérite à être connue, peut-être davantage pour son aspect culturel, mais il suffit de prolonger son séjour pour changer d’avis. Coimbra est une ville importante que les touristes ou expatriés ont sûrement déjà visitée. Sa renommée repose autour de son université, une des plus anciennes en Europe fondée en 1290, et sur les monuments monastiques qui y foisonnent. En effet, en tant que capitale du royaume avant Lisbonne en 1255, elle a abrité les principaux ordres religieux jusqu’à leur extinction au XIXème siècle. C’est ainsi qu’aux alentours, au sud du fleuve Mondego, on retrouve une incroyable concentration de monastères et de couvents comme Tomar, Alcobaça et Batalha pour ne citer qu’eux.

Tomar est une ville charmante pour bien des raisons. Sans aucun doute pour son imposant château, pour ses rues pavées, ses places et ses édifices qui témoignent de son passé médiéval, mais aussi parce qu’elle est traversée par une rivière et par des ponts fleuris qui lui octroient une certaine sérénité, et font qu’on s’y sent bien. La principale attraction de la bourgade c’est le Couvent du Christ, l’une des plus importantes œuvres de la Renaissance au Portugal et siège des Templiers. Nous avons la fâcheuse tendance, nous les Français, à penser que les croisades et les chevaliers du Temple sont exclusivement issus de l’Héxagone, ou au pire, par extension, du Royaume-Uni. C’est faux, et pour la petite Histoire, un grand merci au guide João Santos de l’association Caminhos da Historia : les croisés sont arrivés au Portugal en 1128. A l’époque, la majeure partie des territoires de la péninsule Ibérique était occupée par des royaumes islamiques. Aussi, tout comme en Palestine, le Pape a envoyé ses vaillantes troupes pour christianiser ces terres alors sous le joug de l’ennemi hérétique. C’est aux côtés de Dom Afonso Henriques, premier roi du Portugal, qu’à partir de 1159 ils ont réussi à récupérer Santarém, Lisbonne et tout le territoire du Termo de Ceras, c’est à dire le centre du pays et s’y sont installés pour construire la forteresse qui domine encore aujourd’hui Tomar. Plus tard, en 1312, suite aux persécutions contre les Templiers par le roi de France Philippe IV ou Philippe Le Bel, l’Ordre sera dissout par le pontife Clément V mais les quelques survivants réussiront à s’échapper au Portugal. Le monarque tenta alors d’exécuter tous les membres de la divine confrérie un vendredi 13, dont son grand maître Jacques de Molay qui aurait lancé une malédiction qui hante encore les esprits aujourd’hui. Ces derniers avaient cumulé trop de richesses et de pouvoir pendant leurs pèlerinages armés et auraient secrètement enfoui un trésor, à ce jour encore introuvé. Cependant, ils ont réussi grâce à l’aide du souverain Dom Diniz qui négocia durement avec le Saint-Siège, à perdurer sous un nouveau nom, l’Ordre du Christ .

Il est absolument essentiel de monter au château classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO et de découvrir ses merveilles. En plus du cloître et de la fameuse fenêtre manuéline riches en détails, premiers témoins du style si particulièrement lusitanien influencé par le roi Manuel Ier au XVIe siècle que l’on retrouve notamment au Mosteiro dos Jeronimos à Lisbonne, le clou du spectacle réside dans la Rotonde. Il s’agit de l’oratoire ou sanctuaire des Templiers, magnifiquement décoré de sculptures et de peintures, où les piliers de l’octogone central et les murs du déambulatoire sont agrémentés de statues polychromes de saints et d’anges, tandis que les plafonds sont ornés de panneaux illustrant la vie du Christ.

Une fois la visite terminée, il est de rigueur de descendre faire un tour dans le centre historique de la ville organisée en croix, guidée par les points cardinaux. A quelques pas de la Praça da República surplombée de son Igreja Matriz dédiée à Saint Jean-Baptiste, il est un lieu hors du commun et des plus sympathiques pour prendre un verre, calmer sa faim ou encore pour passer une véritable soirée festive : la Taverna Antiqua. Ce restaurant dispose tout d’abord d’une grande terrasse avec en toile de fond les remparts et leur verdure, et en tête, la fameuse place évoquée en amont. A l’intérieur, on entre dans un univers en tout point moyenâgeux, de la décoration, du comptoir et des toilettes jusqu’à la musique et aux bougies qui éclairent les convives. La cuisine est excellente et se base sur des recettes et des ingrédients de l’époque, même si comme le souligne le jeune propriétaire des lieux « il a fallu ajouter quelques éléments actuels pour rendre les plats au goût du jour, comme par exemple le sel ». Donc, comme jadis, pas de pommes de terre mais à la place châtaignes et champignons qu’on peut déguster en soupe, soit dit-en passant succulente, ou avec du bœuf mariné 24 heures dans du vin rouge en tout point comparable à un bœuf bourguignon, du jarret de porc ou encore de la morue cuite dans une miche de pain. Côté boisson, pour les originalités on peut se délecter de différentes bières artisanales notamment à base de blé et d’hydromel, ce fameux mélange ancien d’alcool fermenté dans du miel. Par ailleurs, des mises en scènes de courts spectacles alimentent les dîners et des troubadours offrent une prestation musicale à couper le souffle. On s’y croirait !

Taverna Antiqua

Praça da República 23, 2300-556 Tomar

tavernaantiqua.com

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