Le Nectar de la vallée du Douro

Symington

Avec plus de 130 ans d’histoire, les Symington sont les derniers à produire du Porto en famille.

Ayant pris son nom de la ville portuaire du Nord du Portugal, le Porto est une boisson qui a été fort banalisée en France et en Belgique. Mais sur la rive gauche de la rivière Douro, à Villa Nova de Gaia (ou simplement Gaia), se cachent les secrets d’un vin qui a bien plus de caractère qu’un simple apéritif.

Ce nectar est produit sur les collines de la Vallée du Douro à 100km de Porto, une région qui désormais fait partie du patrimoine mondial de l’Unesco, mais surtout qui est la première région d’appellation d’origine contrôlée du monde, et ce depuis 1756. Ce terroir montagneux réunit les conditions idéales pour la production de ce vin fortifié; un sol à base de schiste, un climat chaud en été et glacial en hiver, une topographie escarpée et une variété de cépages que l’on ne trouve nulle part ailleurs.

Sur les marges inclinées de la vallée du Douro les vignes poussent sur des terrasses en dégradé, ce qui ne facilite pas leur entretien ni la récolte. C’est une production chère à petits rendements; un cep de vigne ne produit pas plus d’une bouteille de Porto. Ici, seuls les Portos de gamme “premium” valent la peine d’être produits.

Blanc, Ruby, Reserve, Late Bottled Vintage, Tawny ou Vintage, chacun à son parcours de production et de vieillissement. Seul le Vintage, le plus respecté et apprécié des portos, sera préservé en bouteille: deux ans après la récolte il est mis en bouteille et conservé couché dans les caves de Gaia. Ici, depuis plus de cent ans, ce nectar doux et sucré se développe et vieillit avec sagesse.

L’origine du Porto date du temps des Romains mais ce n’est qu’avec l’arrivée de plusieurs familles Britanniques au Portugal que ce vin s’est vraiment développé et a commencé à être exporté. C’était une industrie familiale qui passait de génération en génération, mais aujourd’hui seule la famille Symington possède encore entièrement sa production de Porto. Tous les autres ont vendu ou se sont associés à d’autres familles ou entreprises. La tradition, le dévouement et l’honneur de cette famille d’origine Écossaise assurent la conservation et l’évolution du groupe Symington, qui vend du Porto aux quatre coins du monde.

Cela fait bientôt 132 ans qu’Andrew James Symington est arrivé au Portugal. Il débuta sa carrière dans le Porto chez Graham’s à à peine 18 ans. Quelques décennies plus tard il avait déjà créé sa propre entreprise et mis en bouteille son premier porto. C’est une histoire de famille, cinq generations, qui partagent leur passion pour le Porto et plus récemment le vin non-fortifié. Aujourd’hui, cinq cousins – Paul, Dominic, James, Rupert et Johnny – tous de la 4ème génération, travaillent ensemble en harmonie, développant ce que leur arrière grand-père a construit, tout en conservant les traditions et les valeurs familiales.

Paul Symington, qui cette année a été élu “personnalité du vin de l’année” par l’une des principales publications de vin au Portugal: “Wine – A Essência do Vinho”, nous a reçu dans les bureaux du groupe Symington à Gaia, et nous a expliqué comment le Porto a été créé. “Les marchands qui venaient d’Angleterre pour commercialiser leur poisson et leur laine remportaient avec eux de l’huile d’olive, des fruits et du vin”, explique Paul. “Pour stabiliser le vin lors des longs voyages de retour au Royaume-Uni et empêcher sa fermentation, les anglais y ont additionné du brandy”, c’est ainsi qu’est apparu le Porto et que le marché de l’exportation s’est développé.

Le groupe Symington est le principal producteur de Porto de qualité “premium”. Avec 26 “quintas” (propriétés) sur 1000 hectares, “les Symingtons sont les plus grands propriétaires de vignes au Portugal et les plus grands propriétaires de vignes sur terrains montagneux au monde”, affirme Paul. Le groupe est en constante expansion, ils achètent de nouvelles terres et investissent dans de nouvelles technologies de production et de nouveaux projets. Ils ont récemment créé la première machine de foulage automatique, remplaçant les cuves en granite et les travailleurs, avec de l’inox et du silicone.

Le groupe détient aujourd’hui les marques Grahams, Dow’s, Warres, Cockburns, ainsi que les marques de vins, Altano, Chryseia, Post Scriptum et Quinta do Vesuvio. Ce fut après de nombreuses années de doutes que les Symington ont pris le risque et ont créé Chryseia, un superbe vin rouge fait en collaboration avec Bruno Prats, ancien propriétaire du Château Cos d’Estournel à Bordeaux. Le premier cru commercialisé fut celui de l’an 2000, qui a rapidement gagné une excellente réputation et fut le premier vin Portugais dans le top 100 de la fameuse publication “Wine Spectator”.

La cinquième génération de la famille commence petit à petit à se joindre à l’entreprise. Charlotte, la fille de Paul, les a récemment rejoints dans le bureau de Londres, s’occupant de la communication et de la distribution des vins. D’autres ont déjà participé aux vendanges ou travaillé dans une des “lodges” à Gaia, et espèrent un jour aussi faire partie de cet héritage.

Quant à nous, notre visite à Gaia avec les Symington nous a menée aux caves Cockburn et Graham’s. Contrairement à d’autres caves celles-ci se trouvent sur les hauteurs, ce qui leur permet depuis toujours d’échapper aux inondations des mois d’hiver. Avant l’évolution des voies ferrées, le vin était chargé sur des bateaux appelés “barcos rabelos” sur le Douro et descendaient la rivière jusqu’aux quais de Gaia où ils étaient débarqués. Ils sont alors entreposés et vieillissent jusqu’à leur âge de maturation dans la fraîcheur des caves sur la côte Atlantique.

Nous avons commencé notre visite chez Cockburn’s où le slogan, “It’s a family thing” – c’est une chose de famille – nous transmet l’esprit de la marque, un Porto créé pour être bu en famille, avec des amis, dans une ambiance décontractée. C’est exactement dans cette ambiance que nous avons découvert la grande cave à vin. Une forte odeur de vin et de moisissure dans l’air nous a pris au dépourvu, des centaines de tonneaux et de foudres (d’énormes tonneaux à grande capacité) s’imposaient devant nous. Nous avons eu droit à une visite très spéciale, à la tonnellerie où l’on croyait avoir reculé dans le temps. Cockburn’s est la dernière compagnie de Porto a avoir sa propre équipe de tonneliers qualifiés.

Nous continuons avec la partie plus savoureuse de notre visite, la dégustation, où nous avons eu la possibilité de goûter huit portos; deux blancs et six rouges. Notre guide Sérgio explique les différents types de Porto, leurs goûts distincts et leurs appariements plus indiqués. Des images de chocolat fondant et de Stilton avec du “Vintage Port” comblent notre imagination.

Après un déjeuner gastronomique dans le restaurant Vinum, dans la “Graham’s Lodge”, nous visitons les lieux. L’ancienne cave, qui a récemment été entièrement rénovée, comprend un musée, une superbe cave, un magasin et un restaurant de haute cuisine. Nous commençons par le musée où des tableaux d’ancêtres, une superbe collection de photos, d’anciens outils, de bouteilles de Porto et des lettres de membres de la famille, nous aident à imaginer la vie d’antan de cette famille. Nous traversons les années et trouvons une lettre de remerciements de Barack Obama et une autre de la Reine Elizabeth II, pour qui la famille Symington a créé un vintage en l’honneur de son “Diamond Jubilee”.

C’est dans la “Private Vintage Room”, un salon de style anglais, avec des vieux fauteuils Chesterfield, une belle bibliothèque et un feu ouvert, que nous goûtons les nectars Graham’s et discutons la toute dernière création des Symington: Ne Oublie – l’ancienne devise de la famille Graham. Il s’agit d’un Porto très spécial qui remonte à 1882 quand Andrew James Symington acquit quatre tonneaux de porto. 130 ans plus tard la famille a mis en bouteille un des tonneaux, produisant 656 bouteilles. Cette édition spéciale et très limitée est vendue dans une carafe de crystal portugais, avec des détails en argent massif gravés en Écosse et présentée dans un coffret fait sur mesure par Smythson en Angleterre. Un petit trésor qui vaut 5.500€.

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