UNIQUE ET CHARGÉ D’HISTOIRE

Entièrement naturel, le Czar des Açores est le résultat de l’obstination et de la passion d’une famille. Sans eux, l’héritage de ce vin unique serait en danger.

Les vignobles séculaires où il est produit se situent au milieu de sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco.
C’est dans la zone de Lajidos da Criação Velha, sur l’île de Pico aux Açores, qu’est né le Czar, un vin chargé d’Histoire et unique au monde. La naissance de ce cru résulte de la persévérance de ceux qui sont aujourd’hui à la tête de sa production. Fortunato Garcia est l’homme qui se cache derrière ce projet aussi stimulant que magique, aux côtés de son père, José Duarte Garcia, qui a garanti sa longévité.

« Le premier vignoble de Czar a presque été « imposé » à mon père par son précédent propriétaire, José Rodrigues, instituteur tout comme lui. Ils se sont rencontrés lorsqu’ils enseignaient tous deux à l’école de Criação Velha, et après plusieurs discussions, il a proposé à mon père de reprendre son vignoble, car il commençait à vieillir et qu’aucun de ses héritiers ne voulait tenir les rênes de l’entreprise viticole. Il savait que mon père continuerait la production traditionnelle et ferait en sorte qu’elle perdure, même s’il ne pouvait pas acheter le vignoble avec son maigre salaire. José Rodrigues lui a finalement vendu pour 1000 escudos, soit le salaire mensuel de mon père qui équivaut à cinq euros aujourd’hui. Voilà comment a commencé notre épopée au début des années 60. »

C’est ce même héritage que Fortunato a embrassé corps et âme des années plus tard (2007) : « J’ai commencé à aller au vignoble avec mon père quand j’avais 7 ans. Il m’avait obtenu deux petits seaux pour que je puisse aider à porter l’eau à la machine à sulfater. »

« C’est ainsi que ma relation à la vigne a débuté. Plus tard, j’ai commencé à aimer le vin plus que la vigne, mais il a toujours été clair que sans la seconde, la première n’existerait pas. J’ai toujours accompagné mon père dans les traitements de la vigne et dans la production de vin, même lorsque j’ai dû faire mon service militaire et lorsque je suis allé à l’université. Après le décès de mon père, en 2007, étant le seul fils qui l’avait toujours accompagné dans les vignes et dans le vin (car mon frère avait émigré aux États-Unis en 1985 et ma sœur n’avait pas suivi tout le processus de vinification), il a été décidé que je serais celui qui continuerait la production du Czar. »

« Je me suis d’abord focalisé sur le vieillissement, car je pensais ainsi augmenter en qualité/complexité, ainsi que sur la quantité. Mon père aimait dire que nous avions le meilleur vin du monde ; ce à quoi je répondais que j’étais d’accord, mais que le monde ne le savait pas. Alors j’ai décidé de l’exporter. » Le choix du nom vient du passé. « Mon père a lu qu’après la révolution russe de 1917, du vin de l’île de Pico avait été retrouvé dans les caves du palais du dernier tsar, Nicola II. Il était même mentionné dans les prescriptions médicales comme remède à certains maux et même Tolstoï l’évoque dans ses écrits. On a donc considéré que le nom le plus approprié pour ce vin serait Czar (Tsar). Il continue par ailleurs d’être produit de la même manière qu’à l’époque des tsars, des rois, des empereurs et des papes. »

Provenant des seuls vignobles de Pico où les cépages traditionnels ont été replantés après des fléaux ravageurs, sa production, de très faible quantité, n’atteint pas chaque année la qualité pour être appelée Czar. « On essaie toujours de retarder au maximum la récolte, afin d’obtenir des raisins avec 20% ou plus d’alcool. Ensuite, on laisse les levures indigènes effectuer leur travail et transformer la plupart de ces sucres en alcool. C’est là qu’intervient l’unicité. Le Czar provient de vignes centenaires, de cépages natifs de Pico et qui atteignent des graduations naturelles impossibles à atteindre, selon les livres d’œnologie (…).

C’est un vin totalement naturel, sans aucun ajout d’alcool, de sucres ou de levures. Il est exactement tel que la nature nous le donne. La faible production, incertaine sur plusieurs années, ou les barriques qui gâchent parfois le jus au moment du vieillissement, n’ont jamais été une raison pour abandonner ou changer ce savoir-faire traditionnel. Nous voyons ces difficultés comme une incitation à l’amélioration. La période de vieillissement s’est allongée au fil des années, passant de trois ans à l’époque de mon père à huit ans aujourd’hui, sachant qu’il faut compter en moyenne trois à quatre années par décennie où nous ne produisons pas. »

C’est du mariage de trois cépages autochtones – verdelho, arinto des Açores et terrantez do Pico – que résulte ce vin. « Le verdelho est le cépage mère des deux autres, notamment parce qu’il en est le géniteur. C’est la variété la plus utilisée dans la production du Czar. C’est dans ce raisin que l’on trouve les levures affamées qui rendent ce vin possible. L’arinto des Açores, est un cépage frais, sans grande exubérance, mais qui contribue à la fraîcheur du Czar. Quant au terrantez do Pico, comme le dit le dicton « ne le mangez pas et ne le donnez pas, car Dieu l’a créé pour le vin ». Cette variété précoce, la plus fragile des trois, apporte toujours beaucoup de sucres dans l’équation – ceux nécessaires pour obtenir les folles graduations du Czar. »

Caractérisé par une quantité élevée d’alcool, bien que très bien intégré car acquis naturellement, ses sucres résiduels vont de 20 à 30g/l et se combinent avec une acidité d’environ 7g/l. « C’est un vin à l’arôme très riche, où ressortent les notes de fruits secs, de raisins secs, de miel et d’écorce d’orange caramélisée. En bouche, il démarre frais, avec une touche sucrée, laissant une sensation sèche qui vous pousse à en vouloir toujours plus. Il dispose d’une persistance très rare à trouver, car il reste sur le palais pendant des minutes. » Depuis 2007, Fortunato a tout fait pour faire connaître son « empereur » au monde entier.

« La première foire internationale à laquelle j’ai participé était celle de Moscou, en 2011 ; j’ai voulu rendre hommage à mon père qui rêvait de voir son « tsar » en Russie. Lors du concours des meilleurs vins, sur environ 5000 participants seulement 25 ont gagné des médailles d’or et le Czar 2006 était l’un d’entre eux. Nous avons essayé de nous exposer dans des événements internationaux, surtout dans des lieux aux climats froids car on y consomme plus facilement des vins à 19ºC, il me semble. Une fois apprécié dans différents pays, il a pratiquement suivi son chemin tout seul. Le chemin est sinueux, difficile et, surtout, coûteux, mais avec la reconnaissance qu’il commence à avoir, au niveau national et international, nous considérons cette internationalisation du Czar comme essentielle. »

Le bilan de ces 17 années est positif : « Le Czar a grandi, a voyagé et s’il était auparavant reconnu comme le meilleur vin de l’île de Pico et des Açores, il est à présent considéré parmi les meilleurs de notre pays. Nous allons poursuivre notre saga, le présenter ici et ailleurs avec l’espoir qu’il fasse un jour partie des meilleurs du monde. »

Au cours d’un dégustation, une femme russe a décrit le vin de Fortunato avec des mots qui semblent lui coller parfaitement à la peau : « C’est un vin qui ne devrait être bu qu’en compagnie d’un livre. »

Catia Matos

Photos Pedro Silva

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