LES ALÉAS DE LA VIE

La galerie ArtCatto à Loulé expose ce mois-ci l’artiste français Thomas Bossard, qui peint sur plusieurs plans et avec humour des scènes du quotidien.

L’humanité et l’humour imprègnent les œuvres de Thomas Bossard. Ses personnages excentriques, des chefs et des serveurs, des visiteurs de musée et des clients attablés, sont tous pris dans un drame qu’ils n’ont souvent pas créé eux-mêmes. Ils jouent un récit comique, un moment d’action et de réaction comme la dévastation face à un plat gâché ou à une soupe renversée.

Cette idée d’un monde interne, d’une pièce dans une pièce, découle en partie de la décennie que l’artiste a passée à travailler au Théâtre du Capitole à Toulouse. En effet, l’opéra s’avère être une bonne source d’inspiration pour le créateur puisqu’il s’agit d’un lieu de représentation, où la tragicomédie de l’existence humaine est partie prenante du décor.

Après tout, le véritable pouvoir de l’art est qu’il peut nous transporter dans l’espace et dans le temps, qu’il peut enflammer l’imagination et nous faire rire et pleurer à la fois. Thomas Bossard disposait donc alors d’un éventail d’outils artistiques pour élaborer des scènes à la fois drôles et touchantes : « Travailler dans un théâtre m’a permis d’exprimer ma palette artistique dans toute sa richesse : Illustration, peinture, scénographie, fresque et photographie. Au cours de ma carrière, j’ai également réalisé des story-boards pour des courts métrages ».

Thomas Bossard est né à Poitiers, en France, et a suivi des études d’art à la prestigieuse école Saint Luc, en Belgique. Issu d’une famille nombreuse qui encourageait sa créativité, sa mère l’emmenait régulièrement visiter des musées et des galeries. Le jeune homme avait été particulièrement frappé par les œuvres de Velázquez, Vermeer et Rembrandt. Pour lui, ces grands « maestros » sont de véritables conteurs d’histoires, qu’il s’agisse des moments intimes capturés par Vermeer ou du drame de la royauté et de la noblesse affichant leur richesse et leur statut, comme c’est le cas dans le célèbre tableau « Las Meninas » (1656) de Diego Velázquez. Dans ce tableau, on voit Velázquez travailler sur un portrait à grande échelle du roi et de la reine (qu’on peut distinguer dans le miroir central), mais l’accent est mis sur la jeune Infante Marguerite-Thérèse qui occupe l’espace central, regardant directement le spectateur, et autour de laquelle se trouvent des demoiselles de compagnie, un chaperon, un garde du corps, deux nains et un chien.

Bossard prend manifestement plaisir à jouer avec la notion d’artifice. Si ses petits personnages avec leurs nez et leurs corps caractéristiques sont des illustrations qui suivent la tradition du dessinateur, caricaturiste et illustrateur anglais Quentin Blake, ils répondent aussi à des œuvres d’art plus classiques, comme celles de Degas et Toulouse-Lautrec, qui sont elles-mêmes des représentations de la réalité. Les sujets qu’il choisit reflètent souvent une histoire personnelle. Il a ainsi peint une scène dans une école de danse où il a vu sa fille s’essayer au ballet ou encore les cuisines et la salle d’un grand restaurant toulousain tenu par un de ses amis chef.

Pour le peintre, la cuisine et la danse, lorsqu’elles sont portées au plus haut niveau, sont des disciplines férocement compétitives qui exigent dévouement et persévérance. Le sérieux sous-jacent est donc propice à la moquerie ; un plat désastreux peut prendre des proportions épiques, voire mélodramatiques. Le spectateur sait mesure, de leur propre orgueil. Il y a un sentiment de catharsis car nous nous identifions à leur maladresse et à leur fragilité, tandis que l’artiste aborde habilement la condition humaine avec toute l’absurdité qu’elle comporte comporte.

« Comme un enfant qui se moque brillamment de la vie des adultes, Thomas Bossard n’est pas seulement un peintre de talent mais aussi un grand humoriste. Fidèle disciple de James Ensor et d’Honoré Daumier, il a le goût du drame et l’œil pour le portrait. A ces deux qualités, il faut encore ajouter l’innocence – voire la tendresse – avec laquelle il se moque de ses propres sujets », a déclaré Frédéric-Charles Baitinger, d’Art-Up Mag.

Bossard est véritablement un artiste qui sait comment raconter une histoire et comment créer un drame tranquille. Ses personnages et ses figures manifestent des émotions et des sentiments réels. Nous les reconnaissons, nous nous identifions à eux et, en fin de compte, nous sympathisons avec eux, car nous savons ce que c’est que de lutter et d’échouer, mais aussi de rire, de se relever et de recommencer.

« Il peint des scènes et des personnes avec perspicacité et humour. J’aime l’attention portée aux détails, il faut continuer à regarder pour saisir toutes les nuances. J’ai toujours été attirée par l’artiste voyeur dans l’histoire de l’art », déclare Gillian Catto, fondatrice de la galerie Artcatto, à Loulé, qui accueille une exposition des œuvres de l’artiste en avril. « Bossard aime ses sujets et les taquine. Il est son propre maître et ne danse sur la musique d’aucun autre artiste. Je souris chaque fois que je vois son travail. C’est ce qui le rend spécial pour moi. »

Ben Austin

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