Le roi Jean III – Tremblements, schismes et inquisitions

Le 26 janvier 1531, un tremblement de terre dont l’épicentre se trouvait sous la vallée du Tage, au sud de Santarém, provoqua le débordement du fleuve et de son estuaire, qui inonda les campagnes des deux rives et projeta les bateaux dans les airs.

Ensuite, l’action récessive a divisé les eaux en deux, de sorte que le lit de la rivière a été exposé, de nombreux navires s’étant échoués tandis que certains ont disparu dans des gouffres exposés.

Sur terre, la violence des secousses a provoqué l’effondrement de structures et des glissements de terrain, dont les effets se sont fait sentir jusqu’à Porto, au nord du pays. Selon les estimations, le nombre de victimes dans la région de Lisbonne s’élève à 30 000 morts, blessés ou disparus.

Étonnamment, les détails contemporains de ce phénomène effrayant ont été en grande partie perdus dans la mémoire collective portugaise jusqu’au début du XXe siècle.ème siècle, lorsque plusieurs lettres et documents officiels furent exhumés dans des bibliothèques et des librairies.

Avec l’introduction de l’analyse par ordinateur, ces fragments isolés ont été progressivement reconstitués et ont permis de faire des comparaisons avec le grand tremblement de terre de Lisbonne de 1755 et celui de moindre ampleur de 1909. Cela a conduit à la publication, en 2012, d’une étude exhaustive et comparative de l’Université de Lisbonne, qui a fourni des estimations des valeurs d’intensité observées au Portugal continental.

Les répercussions sociologiques du tremblement de terre de 1531 étaient prévisibles ; les Juifs, dans leur rôle déguisé en nouveaux chrétiens, étaient à blâmer pour cette démonstration de la colère divine et une répétition ne pouvait être évitée qu’en supprimant le judaïsme pratiqué secrètement.

Inévitablement, l’Inquisition portugaise fut établie en 1536 par la pétition du roi Jean III adressée au pape Paul III.

En 1529, le kabbaliste Salomon Molcho revint en Italie où il reçut un accueil glacial de la part des dirigeants de la communauté juive. Cependant, ses enseignements et son livre d’homélies « Derashot » (Sefer ha-Mefoár) avaient attiré l’attention du pape Clément VII auprès duquel il avait obtenu une audience.

Il prophétisa alors que Rome était en danger imminent d’inondation et lorsque cela se produisit en octobre 1530, son estime en tant qu’autorité religieuse ne connut plus de limites. Il prophétisa également qu’une rédemption messianique aurait lieu entre 1535 et 1540 et qu’elle serait précédée dans son pays natal, le Portugal, par un désastre apocalyptique.

Une lettre contenant ces informations fut envoyée d’urgence au roi Jean III. Il connaissait bien Molcho sous le nom de Diogo Pires, qu’il avait nommé, à l’âge de 22 ans, juge et secrétaire de la cour d’État. C’est à cause de son association avec David Reuveni en 1525 et de sa « désertion » ultérieure du catholicisme au judaïsme que Molcho avait été banni du royaume portugais.

Portrait du roi Jean III par Cristóvão Lopes (1516-1594)

On peut être pardonné de spéculer que, après le désastre du tremblement de terre de 1531, Jean III aurait pris contact avec l’empereur du Saint-Empire romain germanique Charles Quint pour l’avertir du dangereux rapprochement entre Molcho, le pape et ses cardinaux et que c’est ce qui aurait conduit, sur ordre de l’empereur, à son exécution par le bûcher à la fin de 1532.

L’antipathie entre Charles Quint et Clément VII était typique du début du XVIe siècle.ème Les schismes du 16e siècle entre monarques et prélats ont perturbé le cadre politique de l’Europe et les positions variables dans lesquelles se trouvaient les communautés juives.

Un autre maillon de cette saga se trouve dans la biographie du rabbin séfarade Abraham ben Eliezer Halevi, né en Espagne mais émigré à Jérusalem où il dirigea la Yéchiva qui hébergea David Reuveni lors de son voyage d’Arabie en Italie. Lui aussi était un grand kabbaliste qui passa de nombreuses années à étudier le Talmud et la littérature juive.

Après les expulsions espagnoles de 1492, il vécut quelque temps au Portugal où il publia « Masoret ha-Hokhmah », un manuel d’ésotérisme, en collaboration avec les mystiques Isaac Abrabanel et Abraham Zacuto. Tous trois partageaient les croyances messianiques qui avaient inspiré tant de ferveur à Molcho et Reuveni et étaient d’ardents adversaires de ce qu’ils considéraient comme un catholicisme hérétique et de la persécution ultérieure des marranes par l’imposition de l’Inquisition.

Il convient de préciser avant de terminer que la Kabbale a des formes plurielles allant du spéculatif (qui ne recherche que la compréhension spirituelle et l’obéissance à ce que l’on croit être des lois sacrées) à l’opportuniste par lequel la domination est recherchée sur le mal pour exercer un pouvoir mondial et une protection contre les activités des non-Juifs.

Par Roberto Cavaleiro

|| fonctionnalités@portugalresident.com

Roberto Cavaleiro est citoyen portugais depuis 1989. Jusqu’en 2002, il a été très actif dans le secteur des sports nautiques, en tant que distributeur de bateaux et d’équipements et en tant que propriétaire du Club Nautique du Zêzere, le premier centre spécialement construit où étaient organisées des compétitions nationales et des séances d’entraînement pour le wakeboard, le ski nautique, le jet-ski, le dériveur et le triathlon. Nonagénaire aujourd’hui à la retraite, il est essayiste, documentariste et poète.

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