Le manque d’unité européenne affaiblit la réponse à la crise ukrainienne

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Les pays européens sont déjà divisés sur de nombreux sujets. On craint de plus en plus que cela ne s’aggrave considérablement à moins que la Russie et les États-Unis ne trouvent une solution diplomatique à la crise ukrainienne. Cela semble de plus en plus improbable.

Le manque d’influence de l’Europe par rapport à celui des États-Unis dans les discussions sur l’Ukraine s’explique par un déséquilibre de pouvoir croissant au sein de l’alliance transatlantique.

C’est l’avis de Jeremy Shapiro, directeur de recherche du Conseil européen des relations étrangères. On peut voir ce changement de pouvoir dans pratiquement tous les domaines de force nationale, dit-il. Au moment de la crise financière de 2008, l’économie de l’UE était légèrement plus importante que celle de l’Amérique. De la parité approximative à l’époque, l’économie des États-Unis est maintenant un tiers plus grande que celle de l’UE et du Royaume-Uni réunis.

La domination technologique des États-Unis s’est également accrue, tandis que la puissance militaire de l’UE s’est effondrée de façon spectaculaire. L’Amérique dépense désormais sept fois plus pour les technologies de défense militaire que l’ensemble des États membres de l’UE.

« Lorsque le traité de Lisbonne est entré en vigueur en 2009, il semblait augurer d’une nouvelle capacité pour les Européens à forger une politique étrangère commune et à exploiter la force latente de ce qui était alors la première économie mondiale ».

« Au lieu de cela, la crise financière a divisé le nord et le sud, la migration et le [2014] La crise ukrainienne a divisé l’est et l’ouest, et le Brexit a divisé le Royaume-Uni et pratiquement tout le monde. Les institutions du traité de Lisbonne, notamment le Service européen pour l’action extérieure [and the EU office of Foreign Affairs and Security], n’ont pas réussi à combler ces différences de politique étrangère. Dans l’ensemble, l’UE est devenue de plus en plus divisée et incapable de parler d’une seule voix ».

Bruno Maçães, universitaire portugais, auteur et spécialiste de la politique européenne, affirme qu’un consensus commence à se former sur le fait qu’une nouvelle guerre en Ukraine est devenue inévitable. « Dans une large mesure, cela est dû à l’escalade de la rhétorique et de la préparation militaire venant de Moscou. Combinés, ils créent une situation où les coûts de retraite pour Moscou pourraient maintenant être trop élevés. L’influence et la crédibilité acquises au cours de la dernière décennie – que les gens du Kremlin saluent comme un retour au statut de superpuissance – s’évaporeraient soudainement si le président Vladimir Poutine ordonnait aux troupes amassées aux frontières de l’Ukraine de rentrer chez elles ».

Maçães, ancien secrétaire d’État portugais aux Affaires européennes, a écrit un article publié récemment dans le magazine Time intitulé « Ce qui se passe ensuite en Ukraine pourrait changer l’Europe pour toujours ».

Il soutient que l’Europe a très peu à dire dans la guerre des mots actuelle sur l’Ukraine. Les discours durs de l’Occident viennent tous des États-Unis. Même les nations les plus fortes d’Europe ont exprimé peu de choses qui pourraient changer l’avis de Vladimir Poutine, même si personne ne sait encore exactement ce qu’il pense. Les « sanctions rapides et sévères » promises par l’Occident en cas d’invasion russe restent vagues.

Le nouveau gouvernement de coalition allemand, la dépendance du pays vis-à-vis de l’approvisionnement en gaz naturel russe, ainsi que son histoire profondément troublante de 25 à 31 millions de Russes tués lors de la défaite de la Russie face aux nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, l’empêchent de proposer des mesures vraiment fortes contre le Kremlin. La France est préoccupée par son élection en avril de cette année. La Grande-Bretagne est plongée dans le scandale de l’honnêteté et du comportement du Premier ministre Boris Johnson. Le Portugal pacifique et les autres membres de l’UE sont simplement en marge du conflit verbal actuel entre les États-Unis et la Russie.

Certains pays européens ont rejoint les États-Unis et envoyé un soutien militaire à l’Ukraine, mais l’Allemagne est en décalage avec eux en ce qu’elle n’a offert qu’une aide médicale et plusieurs milliers de casques. Dans un autre geste apparemment pacifiste, il a interdit à l’Estonie d’envoyer des obusiers allemands en Ukraine.

Dans ses écrits récents, Bruno Maçães a souligné la dépendance de l’Europe vis-à-vis des approvisionnements russes en gaz naturel. En termes simples : « Vladimir Poutine détient les cartes en ce qui concerne les besoins énergétiques de l’Europe ».

Le Portugal n’utilise ni n’a besoin de gaz russe, mais l’Europe dans son ensemble importe 35 % de ses besoins énergétiques de Russie. « Les pays européens les plus forts se sont de plus en plus tournés vers des importations bon marché et abondantes de gaz naturel russe, essentiel pour l’électricité et le chauffage », écrit Maçães.

Même si une attaque russe contre l’Ukraine ne devait durer qu’une semaine environ et que des pertes massives étaient évitées, Maçães pense que ni l’Ukraine ni la politique mondiale ne resteraient inchangées. L’ordre de sécurité existant en Europe serait brisé de façon irréparable.

Par LEN PORT

Len Port est un journaliste et auteur basé en Algarve. Suivez les réflexions de Len sur l’actualité au Portugal sur son blog : algarvenewswatch.blogspot.pt

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