Depuis quelque temps déjà, la Finlande a pointé du doigt ce que la presse nationale considère comme « le congé fiscal accordé aux retraités résidant au Portugal ». De même, la Suède a condamné avec véhémence ce « régime fiscal des résidents non habituels – une amnistie de 10 ans sur les retraites » qui a apporté des millions d’euros d’investissements étrangers depuis son apparition en 2009.
L’an dernier, Mário Centeno, ministre des finances a déclaré «comprendre » la frustration suédoise – suite à la colère de son homologue – mais n’a pas parlé de changements à ce niveau dans un avenir proche. Entre temps, tout a basculé.
S’exprimant à Talin, Estonie, à l’occasion de « discussions informelles entre ministres des finances européens », Centeno a dévoilé que non seulement le fond du régime était « en cours d’analyse » mais qu’en plus des changements surviendraient en 2018. Ces modifications prévoient l’« application d’un impôt (IRS) minimum pour les retraités étrangers » afin que le Portugal « entretienne de bons rapports fiscaux avec les autres pays européens ».
La grande question est de savoir à combien s’élèvera cet impôt minimum pour Centeno. Le « Jornal de Negocios » suggère un taux de 5%. Centeno se refuse à tout pronostic mais une remarque finale a fini par lever le voile. Il aurait conclu en disant « l’idée est d’appliquer un impôt qui ne varie pas d’un pays à l’autre ».
Essentiellement, il s’agit pour le gouvernement de changer les règles du jeu – dans le cas présent, le but n’est pas de défendre ses intérêts mais plutôt de préserver les bons rapports avec ses partenaires européens.
Jusqu’à présent, la société internationale d’expertise fiscale PriceWaterhouseCoopers a toujours estimé que le régime fiscal des résidents non-habituels au Portugal était le « secret le mieux gardé d’Europe ».
Mais, comme tant de «secrets» fiscaux, il n’était jamais vraiment destiné à l’immortalité. Les conseillers financiers sont unanimes, “les lois fiscales changent … habituellement pour le pire”. Et, dans ce cas particulier, le changement a peut-être été «gagné» à l’aide d’une grande carotte: le ministre des Finances Mário Centeno – il n’y a pas si longtemps ridiculisé par les médias pour avoir présenté des chiffres qui ne faisaient pas le compte – est soudainement salué comme le nouveau héros financier destiné à la gloire de l’Eurogroupe.
Après l’approbation du ministre allemand des Finances, Wolfgang Schauble, le «Cristiano Ronaldo d’Ecofin» (le groupe des ministres des finances de la zone euro), il est maintenant clair que Centeno vise à devenir le prochain président de l’Eurogroupe à un moment critique de son histoire.
La satisfaction des partenaires européens contrariés par la facilité qu’a apporté le régime des RNH aux retraités qui fuient leur pays, est clairement l’un des petits luxes que le Portugal devra abandonner afin de s’assurer que Centeno y arrive.
Les experts fiscaux disent: “Il n’y a pas de raison de s’alarmer”
Habitués à la nature fluide des lois fiscales, les experts et les conseillers sont optimistes. Gavin Scott de Blevins Franks dit: “Le régime RNH a été très bon pour le Portugal, et surtout pour l’Algarve, attirant un grand nombre de résidents étrangers qui, tout en ne payant pas d’impôt sur leurs pensions ici, apportent une contribution très positive à l’économie. Rien n’indique que les changements possibles auront un effet rétroactif sur la fiscalité ou qu’ils pourraient être appliqués aux RNH qui ont adhéré au régime avant les changements envisagés. Les lois fiscales changent, où que nous soyons, et généralement pour le pire. Même si une taxe de 5% ou 10% était appliquée aux revenus des pensions, cela constituerait encore une proposition très intéressante.
L’avocat Pedro Rosado, qui donne des conférences sur le droit fiscal à l’Université de l’Algarve, est également optimiste. “Rien n’est encore certain et il est hautement improbable que le gouvernement prenne des mesures punitives pour les étrangers qui ont investi ici et s’installent au Portugal en tant que RNH jusqu’à présent”, a-t-il déclaré.
“Nous devrions savoir ce qui se passera après le 15 octobre, lorsque le budget de l’état pour l’année prochaine sera présenté, mais nous ne prévoyons rien de pire qu’un taux d’IRS faible et toujours très bénéfique appliqué aux pensions des nouveaux candidats RNH. Et il peut même résoudre des problèmes potentiels avec les pays où les traités de double imposition exigent qu’il y ait une taxation effective du pays de résidence (Portugal) afin d’éviter la double imposition de l’origine / pays source sur le revenu de pension privé. “Ce régime fiscal a été très bénéfique pour le Portugal en termes de recettes fiscales globales”, a déclaré Rosado. “Il serait très insensé pour le gouvernement de tuer la poule qui a posé l’oeuf d’or”.
Secteur de l’immobilier en tumulte
L’APEMIP, l’association portugaise des agents immobiliers, a eu une réaction beaucoup plus impulsive, disant que parler des altérations au régime RNH était “une erreur grossière” et “absurde”.
Le président Luís Lima a ridiculisé la prémisse que le Portugal se pliait «parce que d’autres pays ne sont pas satisfaits», affirmant que le régime RNH a été un «programme fabuleux» avec un «impact incroyablement positif» à la fois sur l’économie et le secteur de l’immobilier. Lima a fait appel au gouvernement afin de “ne pas modifier” le régime des RNH, disant que le faire serait “induire les investisseurs en erreur”.
La CPCI, confédération portugaise de la construction et de l’immobilier, a également critiqué cette idée. Dans un communiqué envoyé aux médias, le président Manuel Reis Campos a déclaré: “Nous n’avons pas encore réussi à résoudre les problèmes causés par les erreurs commises dans le programme Visa d’or – où nous avons perdu la domination européenne, pour être dépassés par des pays comme l’Espagne et Chypre – et maintenant nous répétons une recette qui s’est révélée désastreuse”.