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Des producteurs de vin portugais réagissent aux nouveaux tarifs douaniers américains
Nous avons réalisé un micro-trottoir auprès de quatre producteurs de vin portugais, des figures de proue du développement du marché américain pour les vins du Portugal (évalué à environ 1 milliard de dollars par an ces trois dernières années), afin de recueillir leurs avis sur l’imposition récente de tarifs douaniers par les États-Unis.
Produire du vin, un produit agricole à forte valeur culturelle, est souvent une entreprise risquée. La surproduction, l’évolution des habitudes de consommation d’alcool et le changement climatique s’accumulent pour faire du vin un secteur particulièrement difficile. Et désormais, il y a les tarifs américains.
Des droits de douane anciens comme le monde
Les tarifs douaniers ne datent pas d’hier. Bien avant que le président américain actuel ne « jette ses jouets hors du parc pour enfants », les Mésopotamiens, grands innovateurs de leur temps, utilisaient déjà les droits de douane dans leurs négociations commerciales pour conclure de « beaux accords ». Bien plus tard, les Britanniques ont tiré parti de la puissance économique des tarifs, appuyée par leur puissance navale, pour tirer profit de leur immense Empire.
Après la Seconde Guerre mondiale, avec le commerce encadré par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et des accords plus civilisés comme le GATT (Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce), un article sur les tarifs douaniers aurait eu peu de lecteurs.
Cela, jusqu’à janvier de cette année. Une nouvelle administration américaine a, presque du jour au lendemain, transformé les tarifs en outil dramatique et punitif, à appliquer aux alliés comme aux adversaires, dans une mission révolutionnaire de réécriture complète des règles des relations internationales.
À un moment donné, Trump 2 a même menacé d’imposer des droits de douane de 200 % sur les vins européens et le Champagne, dans ce qui semblait être une agression généralisée envers l’Europe, un niveau qualifié par Zanny Minton Beddoes, rédactrice en chef de The Economist, de “niveau maternelle”.
Finalement, ces droits de 200 % ont été mis de côté. Mais la menace a laissé un goût amer dans l’industrie viticole européenne. Depuis le 2 avril, appelé par Trump le « jour de la libération », les vins européens importés aux États-Unis sont soumis à un tarif de 10 %, qui pourrait passer à 20 % ou plus après une période de 90 jours, soit fin juin.
Notre panel de producteurs portugais interrogés :
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Sophia Bergqvist (propriétaire de Quinta de la Rosa dans le Douro)
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William Wouters (du duo Filipa Pato & William Wouters, en Bairrada)
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Joana Maçanita (Maçanita Vinhos, Douro et autres vignobles à travers le Portugal)
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Adrian Bridge (PDG de The Fladgate Partnership, propriétaires de marques de Portos haut de gamme dont Taylor’s, ainsi que de Ideal Drinks, un portefeuille de vins secs et mousseux premium)
Nous leur avons posé trois questions :
Quel impact les tarifs américains ont-ils sur votre activité d’exportation vers les États-Unis ?
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William Wouters :
« Nous avons travaillé très dur au fil des années pour faire connaître la Baga et la Bical de Bairrada aux États-Unis, des vins artisanaux produits en petits volumes. Chaque coût additionnel fait mal. Cela met aussi la pression sur nos importateurs et distributeurs, qui ont été formidables pour développer le marché de nos vins. » -
Sophia Bergqvist :
« Je suis sûre que les tarifs auront un impact sur nos affaires, mais il est encore trop tôt pour en mesurer les effets. » -
Adrian Bridge :
« L’impact vient de deux fronts difficiles à compenser : d’une part, le dollar américain a chuté de 10 %, ce qui nous affecte directement au niveau des marges. D’autre part, cela va provoquer de l’inflation et réduire le pouvoir d’achat des consommateurs américains, donc moins de dépenses pour les produits de luxe comme le Porto, et moins de sorties au restaurant, ce qui diminuera aussi la consommation. » -
Joana Maçanita :
« Nous ressentons une forte inquiétude de la part de notre partenaire sur le marché américain, préoccupé par la baisse de consommation de vin européen liée aux tarifs. »
Quelles mesures prenez-vous pour vous adapter et atténuer les effets des tarifs ?
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Sophia Bergqvist :
« Nous avons absorbé la moitié du tarif, et nos importateurs l’autre moitié. Notre stratégie est d’avoir des ventes réparties dans le monde entier, sans dépendre d’un seul marché. » -
William Wouters :
« Nous essayons de soutenir nos partenaires au maximum, y compris en partageant les coûts supplémentaires quand c’est possible. Nous voyons cela comme une relation à long terme, pas simplement une transaction. L’authenticité reste importante, même lorsque la politique devient difficile. » -
Joana Maçanita :
« L’idée est de répartir et diluer l’impact entre le fournisseur, l’acheteur et le consommateur final. » -
Adrian Bridge :
« Nous ajustons la manière dont nous collectons et utilisons les budgets marketing, mais nous nous attendons à une hausse des prix pour tous nos produits, et les consommateurs américains devront payer davantage. »
Comment envisagez-vous l’évolution de ce nouveau contexte économique ?
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Joana Maçanita :
« Nous traversons une période de grande instabilité mondiale. Cela affecte la consommation de vin. Les tarifs vont accroître l’instabilité de toute la chaîne d’approvisionnement – producteurs, acheteurs, consommateurs sont tous préoccupés par l’avenir. Nous pensons que l’impact sur les vins portugais ne sera pas plus fort que celui sur les autres vins européens. Nous restons concentrés sur la qualité, l’authenticité et ce que nous pouvons améliorer, plutôt que de dépenser de l’énergie sur ce que nous ne contrôlons pas. » -
Adrian Bridge :
« Petit producteur dans un contexte chaotique de flux commerciaux internationaux, nous devons réévaluer la demande future et essayer de diversifier en dehors des États-Unis. Ces nouveaux marchés nécessitent un développement à long terme, ce qui signifie trois ou quatre années difficiles, avec réduction des coûts, licenciements et diversification. » -
Sophia Bergqvist :
« Nous espérons développer nos affaires dans des pays comme le Canada, où nous pourrions peut-être remplacer un bon gros vin rouge californien ! » -
William Wouters :
« Nous sommes naturellement optimistes – sinon, nous ne cultiverions pas de la Baga centenaire ! Ce genre de défis va et vient, mais ce qui reste, c’est le lien que nous avons créé avec les gens qui aiment le vrai vin. »
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