Plus qu’un simple choix esthétique, les « azulejos » portugais reflètent des influences culturelles, sociales et économiques indissociables de l’histoire du pays. Découvrons ensemble les maîtres en la matière qui fêtent cette année leurs 175 ans : Viuva Lamego.
La production des azulejos au Portugal remonte au XVIe siècle, mais c’est véritablement au XIXe siècle que cette industrie s’est affirmée face à une demande croissante du Brésil, où ils étaient particulièrement utiles pour protéger les bâtiments des climats chauds et humides, ce qui a entraîné l’émergence d’usines de céramique à travers tout le pays. Parmi les premières, Viúva Lamego, fondée en 1849, qui fête cette année ses 175 printemps.
En effet, tout a commencé dans cette fameuse bâtisse située dans le quartier lisboète de Intendente qui arbore encore aujourd’hui une façade entièrement recouverte d’azulejos figuratifs, réalisés, à l’époque, par le directeur artistique de l’usine, Ferreira das Tabuletas. C’est un exemple pionnier de l’usage de ces « carreaux » comme support publicitaire. À l’origine un atelier de poterie d’António Costa Lamego, ce lieu s’est transformé en usine et a pris le nom de Viúva Lamego lorsque sa femme a pris la direction après sa mort, en 1876. Aujourd’hui classé comme bien d’intérêt public, cet édifice est l’un des symboles de la ville, un véritable emblème du style naïf du XIXe siècle.
Dans ses débuts, l’usine produisait principalement des articles utilitaires en argile rouge, des azulejos en argile blanche et quelques faïences. Avec l’avènement du XXe siècle, les azulejos sont devenus le produit phare de Viúva Lamego, qui s’est alors tournée vers les artistes, leur offrant des ateliers. Dans les années 1930, la production a été déplacée à Palma de Baixo, où elle est restée jusqu’en 1992, avant de s’installer à Abrunheira, à Sintra, où se trouve aujourd’hui l’usine.
À partir des années 1930, la collaboration avec des artistes visuels est devenue l’un des piliers de Viúva Lamego, qui a su voir le potentiel créatif de ses petits carreaux. En étant présents dans l’usine, en échangeant avec les artisans et en participant à chaque étape des projets, des créateurs de divers horizons ont contribué à revitaliser la céramique artistique au Portugal.
Pour célébrer ses 175 ans, Viúva Lamego a présenté une exposition exclusive au Museu Nacional do Azulejo à Lisbonne, dans le quartier de Marvila : « Une perspective du présent, une vision du futur ». Cette dernière, qui s’est déroulé jusqu’au 29 décembre 2024, a présenté des œuvres de divers artistes établis ainsi que d’une nouvelle génération. Elle a mit en lumière le présent et l’avenir de l’une des usines d’azulejos les plus importantes au Portugal, un acteur essentiel de l’histoire de la céramique nationale, sous la direction des chercheurs Rosário Salema de Carvalho et Francisco Queiroz. La présentation mettait en avant des œuvres de 17 artistes parmi lesquels Vhils, Add Fuel, Manuel Pimentel ou encore le Français Hervé Di Rosa.
En parallèle, une seconde salle à l’étage supérieur a exposé une sélection de pièces illustrant les processus de travail et la collaboration entre artistes, architectes, designers et les différents secteurs de l’usine. « Cette exposition, qui revisite l’héritage de Viúva Lamego, fondée en 1849, souligne le lien indéfectible entre l’usine et les artistes, un lien qui perdure à travers les décennies. Accueillir une telle exposition au musée est une grande fierté, car cela met en lumière le patrimoine d’une marque centenaire et son rôle dans la culture de la céramique portugaise », déclare Gonçalo Conceição, PDG de Viúva Lamego.
Johanna Trevoizan
Photos Salvador Colaço