La photographe animalière Tessa Schack partage son amour de la nature au cours d’une exposition à la galerie Artcatto à Loulé.
Tessa Schack est née en Afrique du Sud et est partie vivre à 19 ans à Paris, où elle a travaillé dans la publicité pour un magazine féminin avant de s’installer en Algarve. Le décor de son incroyable propriété à Quinta do Lago témoigne du lien profond qu’elle entretient avec le continent africain. Son amour de la vie sauvage est en effet présent dans les divers objets et images exposés dans sa maison, construite autour d’une cour circulaire centrale. Un immense éléphant en bois, particulièrement apprécié de la petite-fille de Tessa, domine les lieux.
Tessa Schack a toujours aimé la photographie, et ce depuis sa plus tendre enfance. Au départ, elle peignait des toiles à partir de clichés pris en Afrique mais c’est grâce à Gillian Catto, fondatrice d’Artcatto, qu’elle a décidé de se consacrer entièrement à la photographie. Il y a quelques années, lors d’un dîner auquel Gillian participait, la Sudafricaine avait montré à ses convives des photos prises lors d’un récent safari. Gillian n’a rien dit sur le moment mais a appelé Tessa quelques jours plus tard pour lui dire que ses photos étaient remarquables et qu’elle aimerait organiser une exposition de son travail.
Mais de quoi a-t-on besoin pour être un bon photographe animalier ? « La patience est l’une des qualités requises. Il faut attendre le bon moment, quand l’animal prend une position parfaite », explique-t-elle. Un jour, elle a notamment dû rester immobile pendant plus de trois heures, à attendre qu’un léopard bondisse d’un arbre. « L’attente, l’anticipation et le frisson de capturer cette seconde fugace font partie du processus. C’est une passion faite de défis ».
Ses images reflètent cette passion, non seulement pour les animaux mais aussi pour les tribus d’Afrique, en particulier les Masai Mara : « Ces communautés avec leurs croyances, leurs traditions et leurs coutumes sont une partie essentielle du paysage et leur mode de vie est également menacé ». Ses portraits saisissants en noir et blanc capturent ces gens avec dignité et respect. Les perles et les motifs des bijoux et des tissus de leurs costumes traditionnels en contraste avec leur peau sombre rendent ces photographies monochromes visuellement dramatiques. Ce drame est également visible quand elle capture avec son appareil des centaines de gnous qui effectuent leur migration sur la rivière Mara ; le centre de l’action est clair et est nuancé par la confusion floue de la traversée en masse. Puis, il y a la photographie d’un troupeau d’éléphants qui parcourt la brousse en pleine nuit. Ces créatures majestueuses peuvent vivre jusqu’à 70 ans, communiquent par le toucher, la vue et l’odorat et semblent avoir conscience des choses. Tessa a un lien profond avec ces animaux sensibles et cette relation spéciale transparaît dans ses superbes photographies.
Au-delà de la prise d’images, la conservation est d’une importance vitale pour l’artiste. Dans diverses régions d’Afrique, notamment au Kenya, en Zambie et en Tanzanie, des initiatives de lutte contre le braconnage sont menées. Il s’agit bien entendu d’actions dangereuses dans des pays où l’anarchie et la corruption sont monnaie courante. Pour Tessa, c’est la cupidité humaine qui est le véritable problème : « Le fait est que le braconnage est rentable. » Les os de tigre et les cornes de rhinocéros, par exemple, sont toujours utilisés et légaux dans la médecine traditionnelle chinoise, malgré la récente interdiction de vente d’ivoire en Chine. Pourtant, chose troublante, le braconnage des rhinocéros en Afrique du Sud a augmenté pour la première fois en sept ans.
Les chasseurs d’animaux sauvages sont un problème auquel les défenseurs de l’environnement doivent faire face. Ces derniers paient de grosses sommes d’argent pour capturer un lion ou un éléphant et l’argument selon lequel une certaine quantité de permis de chasse devraient être accordée pour apporter des fonds indispensables à la conservation des espèces et de l’environnement, ne tient pas la route selon l’artiste. Elle met en avant un autre problème encore plus urgent en Afrique : l’activité humaine, comme l’agriculture, s’étend et empiète par conséquent sur les pâturages des animaux. Ainsi, les éléphants en plus d’être victime de prédateurs humains pour leurs défenses, doivent en outre quitter leur habitat naturel car ils ne peuvent plus s’y nourrir.
L’une des solutions proposées par la photographe est « le développement de l’écotourisme qui permettrait aux communautés locales de s’en sortir, même si, bien sûr, comme pour le tourisme urbain, les chiffres doivent être gérés pour protéger l’intégrité du lieu ». À travers sa photographie, Tessa aimerait « sensibiliser, promouvoir la communication et la conservation des animaux, en particulier ceux qui sont en voie d’extinction ». Elle est personnellement impliquée dans l’une des plus anciennes fondations d’Afrique, où l’on peut adopter un animal dans une réserve à Nairobi, au Kenya ; elle s’y est récemment rendue pour voir l’éléphanteau qu’elle a adopté et pour réaliser un shooting.
Tessa Schack n’est pas la seule à orienter ses œuvres vers des sujets qui la passionnent et à s’investir dans leur cause. Peter Beard fait partie de ces artistes qu’elle admire pour son travail et ses convictions, et a publié son premier livre, The End of the Game, après avoir travaillé au parc national de Tsavo au Kenya et avoir documenté la disparition de 35 000 éléphants. Il photographie aussi l’Afrique et ses sujets ; les animaux sont souvent associés à d’autres éléments tels que des extraits de journaux intimes, des coupures de journaux, des dessins, des vieilles photos et des objets trouvés. Tessa admire également beaucoup le peintre animalier britannique et défenseur de la nature au franc-parler grinçant David Shepherd, ainsi que Sir David Attenborough, son héros en termes de vie sauvage.
Ben Austin
Photos Tessa Schack