Tout comme dans les années 20 aux États-Unis à l’époque de la prohibition, les speakeasys refont surface ; dans la capitale, le Red Frog garanti aux amateurs de nouvelles expérience une soirée feutrée, discrète mais en toute légalité.
Lors de la prohibition aux États-Unis, un amendement à la Constitution interdit la fabrication, le transport, la vente et l’importation-exportation de boissons alcoolisées. Les premiers bars clandestins fleurissent dès les années 20 et le gouvernement fédéral peine à faire appliquer la loi. Avide de fête et de plaisirs, la contrebande et le marché se développent. D’une part les populations rurales distillent leurs eaux-de-vie et d’une autre, la bourgeoise urbaine se presse dans les speakeasy, sorte de salons difficiles d’accès et réservés à une clientèle aisée qui pouvait chuchoter en sirotant leurs spiritueux préférés en toute discrétion. Pour donner une image plus concrète, on pourrait faire référence au roman culte de Francis Scott Key Fitzgerald, « Gatsby le Magnifique », une bonne représentation du monde de la nuit pendant la prohibition.
De nos jours, alors que les restaurateurs, baristas et mixologues sont à l’affût de « l’idée » géniale et originale qui démarquera leur établissement des autres, les speakeasys refont surface aux quatre coins du monde pour pimenter et offrir aux convives une expérience hors des sentiers battus. C’est à Praça da Alegria, à Lisbonne, que nous découvrons le fameux « Red Frog ». Tout d’abord, ce nom atypique émane de cet animal aux vertus vénéneuses qui ne sort que la nuit : une association parfaite pour décrire le concept du lieu.
Avant même de vous y rendre vous pouvez découvrir sur leur site une charte avec les « lois de la maison ». Parmi elles, un petit rappel quant au dress code et surtout du principe fondamental du speakeasy : discrétion absolue et obligatoire. Une fois à l’intérieur, après avoir traversé une porte trompe l’œil, c’est un décor classique et élégant qui s’offre à vous. Une ambiance intimiste qui veut que chaque convive profite de la même expérience.
Une autre particularité du Red Frog, et pas des moindres, est qu’il figure à la 77ième place du classement des 100 meilleurs bars du monde. On en comprendra aisément les raisons car la carte des cocktails est élaborée au fil des saisons et réfléchie dans les moindres détails en fonction des tendances mondiales; le Spiced Rusty Cherry et l’American Gangster sont les seuls résidents permanents du menu. L’établissement feutré possède par ailleurs l’une des meilleures caves à vin de la ville ainsi qu’une équipe de barmen-alchimistes à la créativité bouillonnante qui utilise de nombreux ingrédients faits maison (ferments, liqueurs spéciales…). Nous pouvons parler ici de chimie, car les cocktails fument, sont conçus avec des fruits déshydratés et des mélanges des plus surprenants dans le « laboratoire » des mixologues. Enfin, pour que l’explosion de saveurs soit complète, des « petiscos » aux arômes purement portugais sont proposés et à déguster en douceur, en toute intimité.
Pauline Daly
Photos Tiago Maya / Visual Arts