Depuis la Quinta de la Rosa, Jorge Moreira partage avec les curieux sa passion pour les cépages du nord, qui offrent, selon lui, une multitude de possibilités.
Dans une région où la vinification est souvent une tradition familiale, Jorge Moreira fait exception. Après avoir obtenu sans grande conviction son diplôme d’œnologie, il a décidé de quitter le milieu pour travailler avec son beau-frère, propriétaire d’une entreprise de poêles à bois.
Son père, qui avait financé ses études, l’a alors persuadé de faire les vendanges au sein de la Real Companhia Velha, le légendaire et plus ancien producteur du pays depuis 1756. Il y a ensuite exercé un emploi à temps plein et a collaboré au projet du consultant américain Jerry Luper, pour la diversification de la production du porto vers celle de crus élégants et équilibrés.
Puis, le jeune œnologue a rencontré Dirk Niepoort, descendant d’une dynastie de vignerons, et Jorge Serôdio Borges, cofondateur de la cave Wine & Soul. Les trois hommes se réunissaient fréquemment pour déguster des vins du Nouveau Monde, de France et d’Italie, et ont développé une idée : « Élaborer quelque chose de caractère, frais et élégant, avec une bonne acidité et une bonne aptitude au vieillissement, capable de témoigner au mieux de l’histoire de notre terroir ».
Pour ce faire, Jorge Moreira devait engranger de l’expérience et en 2001, à la Quinta do Poeira, un vignoble de trois hectares au-dessus de Pinhão, il a créé son premier cru. L’année suivante, rebelote, mais dans une propriété voisine plus importante, la Quinta de la Rosa, où il exerce aujourd’hui le poste de chef vigneron.
Pour lui, la force du Douro vient de son incroyable diversité, qui offre des possibilités illimitées. « Nous devons préserver le caractère, le goût et la structure de nos propres raisins et ne surtout pas essayer de reproduire des styles déjà présents ailleurs dans le monde, assure-t-il. J’aime redécouvrir de vieux cépages portugais. Dans cette région, presque tout est possible. Le défi est de tirer profit d’un climat chaleureux, mais aussi de la fraîcheur, de l’acidité et de la tension de notre terre, qui est plus froide. »
Contrairement à d’autres, le changement climatique ne l’effraie pas : « Nous savons combien il peut affecter la production et nous nous y préparons. Le Douro a toujours été chaud et sec, mais le sol schisteux permet aux racines d’aller en profondeur pour trouver l’humidité. Les vieilles vignes n’ont pas besoin d’irrigation. »
Jorge Moreira est davantage préoccupé par le coût des bouteilles : « Nous devons gagner de l’argent, mais c’est une zone où le rendement à l’hectare est extrêmement faible. Notamment à cause de l’impossibilité de mécaniser les vendanges, mais aussi en raison des marchés internationaux, qui réagissent négativement à la moindre hausse des prix. Nous avons en fait très peu de marge de manœuvre. »
L’essor touristique dont jouit actuellement le pays est de plus en plus important et offre la possibilité de faire connaître et d’étendre le « label portugais » dans le monde entier, particulièrement dans le secteur viticole.
Cette année, le vigneron a commercialisé un millésime Poeira 2009. Il est convaincu qu’il faut prouver le potentiel de vieillissement des Douro et les positionner aux côtés des Bordeaux, des Bourgogne et des grands vins italiens : « Ainsi, ils monteraient en gamme et cela permettrait de pérenniser notre processus de vinification. »
James Mayor