La designer portugaise Vanessa Barragāo transforme les déchets de l’industrie textile en tapisseries luxueuses, qui représentent des récifs coralliens et font appel à la conservation de la nature.
Vanessa Barragāo, algarvienne pure souche, a développé très jeune son goût pour l’artisanat et a pu, grâce à sa famille, assouvir ses désirs créatifs. Elle a appris le crochet et le tricot avec ses grands-mères, à manier le bois avec son grand-père et à peindre avec sa mère. Sa parcours pour le moins original était donc tout tracé…
Pendant ses études de mode à Lisbonne, Vanessa a réalisé que son but n’était pas de devenir une fashion designer, mais plutôt d’être en lien direct avec les matières. Pour son mémoire de maîtrise, elle a donc travaillé sur la production de fils à tricoter. Elle s’est procuré de la laine brute auprès de bergers locaux, l’a cardée, nouée et teinte avec des couleurs naturelles et a ainsi créé une collection de pelotes écologiques, 100 % portugaise et faite à la main. Ne pouvant pas les utiliser pour la production de vêtements sans passer par un processus chimique, elle a eu l’idée d’en faire des tapisseries : « Cela m’a permis d’allier ma passion pour l’artisanat et pour la peinture. » Elle a ensuite effectué un stage dans l’entreprise artisanale Tapetes Beiriz, pour laquelle elle continue de développer des projets.
L’artiste est aujourd’hui connue dans le monde entier pour les tapis qu’elle fabrique manuellement dans son atelier à Porto. Son enfance à Albufeira, aux abords de l’Atlantique, son amour pour la mer et pour la nature, sont la source d’inspiration de ses ouvrages. Elle utilise exclusivement des savoir-faire traditionnels qu’elle associe à des matériaux recyclés, pour créer un univers subaquatique et obtenir différentes textures et effets sculpturaux.
Les œuvres de Vanessa invitent à réfléchir sur l’état de la planète et sur la façon dont nos actions affectent les écosystèmes sensibles : « L‘industrie textile est l’un des plus grands pollueurs au monde. Des produits chimiques sont utilisés dans presque tous les procédés de la teinture des fibres et génèrent des tonnes de déchets. Les conséquences sont dévastatrices pour notre planète et ses habitats naturels. C’est particulièrement vrai dans le cas de la mer : les océans absorbent 90 % de la pollution atmosphérique, leur réchauffement a déjà progressé et de nombreux organismes vivants sont menacés d’extinction. Les récifs de corail et les nombreuses espèces animales qu’ils abritent ainsi que leur environnement sont particulièrement touchés. »
Les teintes contrastées de ses créations ont une signification : « Les parties colorées représentent la vie, les parties incolores représentent les coraux morts. » Tous les matériaux qu’elle utilise sont des déchets d’usines textiles locales, soigneusement nettoyés avant d’être utilisés pour l’élaboration de ses ouvrages.
La designer est très active sur les réseaux sociaux (Instagram notamment), qui lui permettent de faire connaître son travail, de participer à des événements et, surtout, de recevoir des commandes à l’international. Vanessa a récemment été invitée par les organisateurs de Domotex, le salon mondial de tapis et de revêtements de sol, à Hanovre (Allemagne), pour présenter ses œuvres dans la catégorie des jeunes talents Framing Trends. Elle a créé pour l’occasion une installation impressionnante, composée de deux tapisseries murales et d’un tapis de sol qui a fait sensation auprès des visiteurs. Elle rapporte fièrement que les photos de sa composition étaient souvent diffusées dans les publicités de la foire.
Vanessa travaille actuellement sur un projet monumental : une production de huit mètres de large et de trois mètres de haut, commandée par un exploitant d’aéroport anglais, qui affichera la carte du monde et transmettra un message écologique. Cette œuvre, qui sera présentée sur le mur d’une aérogare londonienne, sera complétée par des articles de vannerie traditionnelle de l’Algarve, conçue à partir de feuilles de palmiers séchées. Il s’agira donc d’une composition purement algarvienne au service de l’écologie.
Anabela Gaspar