Le Français Jean-Michel Richter, installé dans le sud du Portugal depuis cinq ans, a décidé de créer du lien autour des livres entres les habitants d’expression française de la région. Lui et ses amis disposent aujourd’hui de plus de 650 ouvrages à la disposition de tous.
Comment et pourquoi avez-vous créé la « grande bibliothèque d’Algarve » ?
Je suis arrivé en Algarve il y a cinq ans avec mon épouse. On s’est rapidement aperçu qu’il y avait un déficit de littérature française. Car tous ceux qui arrivent louent un grand camion de déménagement, ils ont la place pour emmener le vaisselier de la grand-mère, l’armoire normande du grand-père, mais pas les livres, qu’ils abandonnent en chemin. On a réalisé que les gens se demandaient où ils pouvaient trouver des livres en français. Certains en commandaient sur Amazon, mais c’est pas top. Donc il y avait une demande. Alors on a diffusé des messages sur les réseaux sociaux : « Qui a de la littérature française chez lui ? » On a fait un inventaire des livres disponibles, pour créer « la grande bibliothèque d’Algarve ».
Où est-elle située ?
Il n’y a pas d’espace physique. Tout est décentralisé. Les livres sont chez les gens, le but était simplement de les recenser afin qu’ils puissent se les prêter, de créer du lien autour de la littérature. C’est un projet culturel, solidaire, d’entraide, de rencontres. On dispose d’un fichier central, où on note le nom des gens, leur adresse, leurs livres, avec un petit résumé sur chacun. Sinon, on éparpille les livres dans des points relais. Mais la région pose un problème géographique que tout le monde connaît, c’est quelle fait 180 kilomètres sur 45. Donc il faut balayer toute la côte.
Quels sont ces points relais ?
Ce sont généralement des boutiques françaises. Des salons de coiffures, des restaurants, des « pastelarias », on donne la priorité à des commerces tenus par des Français. C’est vrai que, pour l’instant, on est davantage implanté entre Portimão et Faro. Tavira, c’est loin et, par ailleurs, là-bas, il y a une association locale qui fait un petit peu la même chose que nous.
Et donc l’inventaire des livres est disponible sur le blog que vous avez créé*, n’est-ce pas ?
Au départ, on avait une page Facebook, « Grande Bibliothèque d’Algarve ». Et puis on s’est pris au jeu et on a décidé de créer un site, qui soit une vraie page culturelle à destination des francophones installés en Algarve. Nous sommes quatre à l’animer, avec trois amies françaises qui vivent en Algarve depuis cinq ans également. Le but, c’est de leur permettre d’avoir une meilleure approche, une meilleure connaissance de la région quand ils s’y implantent. On veut faire connaître le Portugal, ce pays qui nous accueille. La démarche reste culturelle, solidaire et, au-delà, humaniste. On veut s’intégrer au Portugal, créer une osmose. On donne à connaître la culture portugaise, à travers, pêle-mêle, le récit d’un fait historique, le portrait d’un personnage célèbre, l’invitation à découvrir un village comme Sistello, un vignoble, ou encore en proposant une recette ou une initiation à la langue portugaise, en créant une fiche de vocabulaire par thème. Sur le blog, on tourne à peu près à 800 connexions par mois.
Pour revenir à la bibliothèque, vous estimez disposer de combien de livres aujourd’hui ?
On vient de dépasser les 650 livres. On s’apprête à créer un rayon consacré aux bandes dessinées. On est très hétéroclites. On a vraiment de tout. On a à la fois du classique – Balzac, Flaubert, Zola… –, des romans contemporains, du polar – personnellement, j’aime beaucoup les polars des auteurs d’Europe du nord, qui sont vraiment excellents –, des romans plus grand public, comme les Lévy ou les Musso… Et on a bien évidemment des auteurs portugais traduits en français.
Et quels sont vos goûts, à titre personnel ?
Je suis très romans historiques, j’aime aussi les biographies. Récemment, j’ai rendu compte sur le blog d’un livre de Christophe Bigot, « L’Archange et le Procureur » (Gallimard), qui relate la vie de Camille Desmoulins, lequel fut à l’origine de la prise de la Bastille lors de la Révolution française. Ou encore, pour remonter dans l’histoire, de l’ouvrage « Hannibal, l’homme qui fit trembler Rome » (éd. L’Archipel), de Luc Mary.
Pourquoi avez-vous décidé de vous installer en Algarve il y a cinq ans ?
On avait déjà une résidence secondaire dans la région depuis très longtemps. Ça fait vingt ans qu’on vient y passer toutes nos vacances. On ne fait pas partie de ceux qui sont venus expressément pour le soleil, les plages ou la fiscalité. On avait déjà un ancrage ici. Aujourd’hui, j’ai 62 ans, je prépare ma retraite tranquillement. Je fais encore beaucoup d’allers-retours à Paris, mais je vis quand même ici huit mois de l’année. On est très heureux ici avec mon épouse et notre petit chien, qui est très important !
Que faites-vous dans la vie ?
Je suis expert-comptable et commissaire aux comptes. J’ai cédé mon cabinet il y a quatre ans à des jeunes. Je possède encore une petite partie du capital pour me permettre encore d’avoir quelques revenus, en attendant les 65 ans.
Où vivez-vous en Algarve ?
Nous sommes installés vers Messines, à 20 km dans les terres. On a souhaité se décaler un peu, quitter la grosse animation des bords de mer, qu’on connaît bien par ailleurs, puisqu’on a longtemps habité à côté de Guia. Moi, je suis très nature – randonnée, vélo… –, donc j’aime bien être en retrait, c’est une autre vision de la région. Ici, on a à la fois la richesse du littoral et des opportunités de s’immerger en pleine nature dans l’arrière-pays. J’ai découvert des sites archéologiques, avec des dolmens, des menhirs, absolument fantastiques. Il y a également une très grande diversité d’un point de vue culturel.
Vous connaissez d’autres initiatives, comme la vôtre, en Algarve ?
Oui, il y a plusieurs associations qui, comme nous, ont pour but de fédérer la communauté francophone. A travers leurs activités, on se rencontre, lors de soirées, de randonnées… Nous, on gère le côté bibliothèque, mais il y a un groupe que j’aime beaucoup et j’aimerais citer, c’est « Património e Arquitectura no Algarve ». Ils ont une très belle page Facebook, qui donne à voir notamment les couleurs de la région.