PROFONDÉMENT ENRACINÉ

À la Quinta da Palmeirinha, João Mariano élabore de nouveaux millésimes avec certaines des plus anciennes vignes d’Algarve.

L’Algarve est probablement la région viticole la moins connue du Portugal, mais beaucoup ignorent que son
histoire remonte à plusieurs siècles. Ses premières vignes ont été plantées par les Phéniciens et les Grecs au VIIIe siècle avant J.-C., puis, les Romains et les Carthaginois en ont fait un commerce fructueux.

Plus récemment, dans les années 1960, les vins algarviens étaient un élément essentiel pour ravitailler les troupes au cours de la guerre coloniale portugaise. « À l’époque le vin était produit dans des coopératives. Il était considéré comme un produit alimentaire, et consommé par les classes ouvrières et les marins comme source d’énergie », explique João Mariano, producteur, conteur et gardien du patrimoine viticole d’Algarve.

Il nous raconte l’histoire du cépage negra mole et comment il a fini par dominer le terroir local. « Les coopératives avaient l’habitude de payer en fonction de la teneur en alcool du raisin ; plus la teneur était importante, plus son prix était élevé. Très vite, les viticulteurs ont planté des vignes ayant une plus forte teneur en alcool, comme le negra mole », par ailleurs très résistant aux maladies.

Cette variété, la deuxième plus ancienne du Portugal, se distingue des autres car ses grappes ne sont pas de couleur uniforme et que leur peau est plus foncée. Aujourd’hui, elle est utilisée pour élaborer des vins rouges, mélangée à de petites quantités d’autres cépages comme l’alicante bouschet, le touriga nacional ou encore le petit verdot. « En Algarve, les habitants aimaient, par tradition, les rouges plus légers », insiste João.

Malheureusement, avec l’arrivée du tourisme de nombreux vignobles ont été arrachés pour leurs sols sablonneux afin d’être vendus à des promoteurs immobiliers, laissant le territoire démuni de son patrimoine viticole. Mais certaines vieilles vignes ont subsisté et sont maintenant ressuscitées par des producteurs passionnés comme João Mariano, désireux de recréer les crus uniques d’Algarve.

Ce dernier est en fait un enfant du pays amoureux de la viticulture et de l’Histoire de sa région. Agronome de formation, il a planté ses 10 premiers hectares de vignes en 2000 dans le district de Portimão. Il a créé la marque Quinta da Penina et a semé deux autres hectares de vignes à la Quinta dos Cabeços, à Lagoa. Son objectif était d’obtenir des raisins issus de deux terroirs distincts pour concevoir des vins aux qualités distinctes. Ses marques comprennent Quinta da Penina, Foral de Portimão et Mare Nostrum, une étiquette créée pour les restaurants locaux.

En 2012, il a commencé à exploiter un vignoble qui allait faire de lui le gardien de certaines des plus anciennes vignes de la région : des negra mole plantées en 1942. « Elles sont encore pleines de vigueur. Elles produisent de belles grappes de raisins multicolores et on pense qu’il s’agit des plus anciennes encore utilisables en Algarve », souligne-t-il.

Ces vieilles vignes font partie de la Quinta da Palmeirinha, une grande propriété viticole historique située entre Lagoa et Silves. « Elle se trouve dans la zone de Lobito, où les vignobles existeraient depuis que les Phéniciens et les Carthaginois ont débarqué sur la côte sud. »

Les pieds ont été plantés autour d’un magnifique manoir du 18e siècle, qui était autrefois un ermitage et d’où partaient des pèlerinages pour remercier les bonnes récoltes. Le domaine appartient à la famille de l’actuelle propriétaire, Alexandra Pacheco, depuis plusieurs générations. Il y a deux générations, Joaquim Valadares Pacheco, ancien maire de Portimão (1946-1950), a stimulé la production de vin dans la région. Cet homme remarquable était non seulement un viticulteur primé (ses célèbres vignes negra mole lui ont valu le prix du meilleur vin régional pendant la Seconde Guerre mondiale), mais il a également joué un rôle essentiel dans la création de la coopérative de Lagoa, créée par un groupe d’agriculteurs locaux.

« Ils ont demandé des fonds par l’intermédiaire du conseil national du vin, qui soutenait la construction de coopératives dans tout le pays. En attendant que les financements pour construire la future cave arrivent, ils ont commencé la production de premiers vins à Palmeirinha. » Certains d’entre eux ont été vinifiés dans de véritables trésors : deux imposantes amphores de style algarvien qui se trouvent toujours dans le chai du domaine.

Aujourd’hui, le vignoble de 8,7 hectares est composé de cépages rouges portugais : negra mole, castelão, aragonez, touriga nacional et alicante bouschet ; et de crato branco, le cépage blanc emblématique de l’Algarve. « Ici, on peut constater la résistance des pieds », dit João en se promenant entre les rangées de negra mole vieilles de 80 ans. La plupart des vignes existantes ont été déracinées et remplacées par des caroubiers. Heureusement, les negra mole sont restées. « Les propriétaires ne voulaient pas de l’agriculture ici parce qu’elle payait mal, et ils ne voulaient pas non plus laisser disparaître la tradition viticole de l’exploitation. »

La Manor House (manoir) a été réaménagé pour le tourisme et les événements. La propriété propose deux maisons d’hôtes, avec des chambres pour quatre et six personnes, qui peuvent être louées séparément ou comme une seule unité de vacances avec deux piscines. L’ancien chai a été nettoyé et remis au goût du jour pour les événements, et les précieux instruments de vinification, comme les pressoirs à main et les deux magnifiques amphores, ont été transformés en éléments décoratifs. « J’espère qu’un jour cet espace sera transformé en musée », admet João
Mariano. « Ils ont encore des instruments viticoles anciens et uniques au monde qu’on ne trouve plus aujourd’hui. »

João élabore plusieurs vins avec les vieilles vignes du cépage autochtone de la Quinta da Palmeirinha, à commencer par le rosé Foral de Portimão (6,50 €), de couleur saumon : « C’est la couleur naturelle du cépage lorsqu’il est pressé », précise-t-il. Vient ensuite le Quinta da Penina 2019 (10 €), un negra mole auquel il ajoute seulement 10 % de castelão pour lui donner une couleur rubis. Avec des arômes de fruits noirs, des notes de poivre et de fleur d’oranger, il est frais et fruité en bouche, avec des tanins doux et veloutés.

Le Quinta da Penina Tradição (6,50 €), assemblage à parts égales de negra mole et castelão, aux parfums de fruits rouges mûrs et de vanille, est un rouge corsé mais doux en bouche, avec une finale élégante. Côté blanc, le Quinta da Penina DOP (5 €), 100% conçu de crato branco, présente des notes fruitées de poire et d’ananas. En bouche, il est équilibré et frais, avec un bon volume et une finale longue et persistante.

João est également connu pour ses mono-cépages de petit verdot de grande qualité ; son Quinta da Penina Grande Reserva 2016 (10 €), élaboré avec des raisins cultivés à Portimão, a remporté une médaille d’or au concours international des vins de Berlin en 2020.

Alexandra Stilwell

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