UN SIMPLE STYLO À BILLE

Rebelle et réactionnaire, James Mylne crée des images réalistes à l’aide d’un outil modeste. 

Les talents artistiques précoces de James Mylne lui ont permis d’obtenir une place au Chelsea Art College en 2002,
puis une licence au prestigieux Camberwell College of Art. À cette époque, à Londres, le mouvement des jeunes créateurs faisait fureur. Des artistes comme Emin, Hirst et Lucas faisaient la une des journaux avec leurs œuvres conceptuelles et parfois choquantes. L’art se voulait sensationnel et alimenté par le savoir-faire marketing d’un homme d’affaires, Charles Saatchi.

À l’université, les professeurs de James n’appréciaient guère qu’il dessine au stylo à bille, considéré comme un simple objet utilitaire plutôt que comme un moyen d’expression sérieux. Mais il a résisté. Refusant obstinément d’adhérer au récit de ce qui est et de ce qui n’est pas de l’art, James a maîtrisé sa propre et unique technique, en créant des images réalistes de manière médiative au Bic noir. Il a poursuivi avec sa pratique en se tournant ensuite vers le numérique et en a acquis une parfaite maîtrise, à l’époque où l’Internet et la technologie en étaient encore à leurs balbutiements.

Mais pour James, un stylet numérique ne pouvait remplacer les marques faites sur le papier ; il a alors développé son œuvre en subvertissant et en réimaginant des célébrités iconiques de manière provocante, voire fétichiste.

Parmi ses travaux, il y a les portraits de Audrey Hepburn avec un bâillon boule dans la bouche ou levant son majeur en jurant, et ceux de Steve McQueen posant avec une arme de poing ou portant sa veste de course, les pouces et les doigts levés autour des yeux pour créer un angle de vue cinématographique.

Les autres personnalités dépeintes sont souvent celles qui ont disparues prématurément : Notorious B.I.G., Jean-Michel Basquiat (avec sa couronne caractéristique) et Kurt Cobain sont tous représentés avec déférence. Ce dernier est portraituré comme un saint des temps modernes en état d’extase religieuse. Le dessin numérique d’un cadre à l’arrière-plan est chargé d’un mélange de motifs orientaux et chrétiens. En haut du cadre orné, des chérubins entourent une image de Bouddha. Le titre de l’œuvre, « Slouching Towards Nirvana », fait bien sûr référence au nom du groupe mais aussi à l’état d’extase bouddhiste, à la cessation du désir et à la fin de la souffrance, ce à quoi aspirait Cobain. Le titre fait également référence à « The Second Coming », un poème de W.B. Yeats.

Les personnalités politiques font également l’objet de l’approche anarchique de James en matière de création artistique. Sa représentation de Boris Johnson sous les traits du Joker de Batman a connu un succès immédiat et est devenue virale puisqu’elle a même été utilisée pour des affiches de protestation. Dans le cadre d’une exposition intitulée « A Decade of Shady Business » (une décennie d’affaires troubles), une image puissante d’un Bolsonaro démoniaque, dont les yeux dégagent de la fumée et du feu, alors qu’il est confronté aux micros d’une foule de journalistes est présentée. Parmi les autres cibles du créateur, figure bien entendu Donald Trump dans une œuvre intitulée « Crying Shame » (pleurant de honte), où le drapeau américain s’échappe de ses yeux.

L’art de James Mylne peut heurter la sensibilité de certains, car il s’agit pour lui de provoquer. Il fusionne l’iconographie de la culture populaire avec l’art urbain. Ses images vont du subversif et du nerveux au dévotionnel. Sa maîtrise du stylo à bille est indéniable et il a fait de cette technique minutieuse sa signature. Il n’est pas étonnant que de nombreuses célébrités aient collectionné ses œuvres et qu’il ait collaboré avec le célèbre photographe Terry O’Neill. Le magazine GQ reconnaît cette nature discordante en déclarant que « les images photoréalistes de James Mylne déconcertent et déroutent le public et l’establishment artistique », car il produit des œuvres d’art au stylo
à bille à la fois audacieuses et osées.

Ben Austin

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