Des enchères solidaires

A l’instigation de son ancien président Jorge Sampaio, le Portugal a décidé de se mobiliser pour les jeunes Syriens. Une vente de charité aura lieu fin mai. Le but ? Accompagner dans le cadre de leurs études les futurs acteurs de la reconstruction d’un pays ravagé par les conflits

L’éducation est le seul moyen de construire et de maintenir l’espoir pour l’avenir. » C’est fort de cette conviction que Jorge Sampaio a décidé de créer, en 2013, l’ONG Global Platform for Syrian Students. L’ancien président de la République portugaise (1996-2006) était alors haut représentant pour l’Alliance des civilisations. Une initiative des Nations unies qui, depuis 2005, vise à joindre les forces du Moyen-Orient et des Etats occidentaux pour lutter pacifiquement contre le terrorisme.

En 2013, donc, la guerre civile en Syrie sévissait depuis deux ans et la crise des réfugiés inquiétait le monde entier. Une urgence à laquelle Jorge Sampaio a décidé de répondre avec ses moyens, en offrant aux étudiants syriens la possibilité de suivre un cursus universitaire.

Pourquoi les étudiants en particulier ? « Lorsqu’un pays est détruit, il faut penser à sa reconstruction, et ce sont les nouvelles générations qui en seront les acteurs », explique Helena Barroco, ancienne conseillère diplomatique de Jorge Sampaio. Cette dernière est aujourd’hui secrétaire générale de l’ONG, dont l’objectif est d’attribuer une bourse d’étude aux Syriens et de leur permettre d’accéder à l’université. « Il ne suffit pas de leur dire de venir, il y a tous les à-côtés, les visas et le transport, entre autres. Il a par exemple fallu affréter un avion des forces aériennes portugaises pour notre première mission pilote. »

Une fois scolarisés, les participants bénéficient d’un suivi poussé et sont accompagnés de manière individuelle dans leur vie académique, personnelle, pratique et psychologique. Des visites leur sont rendues pour s’assurer de leur bien-être, des activités sont organisées et l’association veille à ce qu’ils trouvent un stage, un premier emploi et que tout se passe bien. Bref, « un accompagnement de proximité ».

La barrière de la langue n’altère en rien leur intégration. De nombreuses formations sont dispensées en anglais et les professeurs sont d’une aide précieuse. Ces derniers, habitués à différents publics, offrent des cours particuliers, adaptent leurs programmes et leurs tests, si nécessaire, en anglais.

Depuis sa création, Global Platform a permis l’obtention de deux doctorats et de 65 masters, a délivré 400 bourses, dont 179 en 2018. Sur la base de cette bonne expérience, l’organisation travaille toujours plus dur, afin de « donner une réponse systémique à un problème systémique ». « On compte aujourd’hui 35 conflits majeurs, poursuit Helena Barroco, il importe donc de réagir rapidement. Notre ONG, pour ce qui la concerne, compte principalement sur les universités, déjà rompues à l’accueil de nouveaux arrivants. Intégrer un réfugié n’est pas différent d’un Erasmus. »

Helena Barroco donne un exemple concret en cours : « Si les 230 millions d’étudiants du monde donnaient un euro, un dollar ou une livre, lors de leur inscription, ils pourraient contribuer au projet et augmenter sensiblement le nombres de bourses. »

Les capitaux, nationaux ou internationaux, dont dispose l’ONG relèvent principalement du privé, quand ils ne proviennent pas de ventes de charité* et d’investissements directs. Ce dernier cas intervient lorsque des étudiants hautement qualifiés intègrent, à la fin de leurs parcours, la société donatrice en guise de remboursement. Par ailleurs, quand une donation correspond au prix moyen d’un accompagnement complet annuel, c’est-à-dire 7 200 euros, le donateur a la possibilité d’associer son nom à la subvention et de savoir qui il soutient. C’est notamment le cas du gouvernement d’Andorre qui, depuis ses débuts, aide une étudiante syrienne en architecture. L’ambassadeur s’est même rendu en personne à la remise de son diplôme et a pu suivre son évolution.

Le nombre d’aides attribuées dépend du nombre de bienfaiteurs, l’objectif est d’en octroyer le plus possible. Les universités de la péninsule ibérique (dont trois en Espagne), publiques, privées et polytechniques, sont toujours réceptives, et offrent les frais et droits d’inscriptions. Certaines proposent même le logement ainsi que les repas. La solidarité et l’investissement sont propres à chacun, mais tout le monde peut contribuer. « Un euro plus un euro, conclut Helena Barroco, égal une bourse. »

* UNE VENTE AUX ENCHÈRES SE DÉROULERA LE 30 MAI À 19 H 30 À LA FONDATION CHAMPALIMAUD, À LISBONNE. LES OEUVRES, DONT CERTAINES D’ARTISTES PORTUGAIS, COMME GRAÇA MORAIS, JOANA VASCONCELOS, PAULA REGO OU ENCORE PEDRO PORTUGAL, SERONT EXPOSÉES DEUX JOURS AVANT, LES 28 ET 29 MAI.

Johanna Trevoizan

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