Les investisseurs en terrains conquis

Les propriétés neuves à vendre n’étant pas légion en ce moment, nombreux sont ceux qui préfèrent désormais acquérir une parcelle où construire la maison de leurs rêves. Une tendance immobilière qui se confirme notamment en Algarve.

Texte Ana Tavares

Que le marché de l’immobilier soit en plein effervescence au Portugal, ce n’est pas une nouveauté. Selon un rapport publié en août par Keller Williams (KW), une agence de consultants spécialistes du secteur, le nombre d’agences immobilières ouvertes dans le pays a atteint son record en juin, avec 6 025 entreprises en activité, soit une hausse de 15,1 % par rapport au même mois de l’année précédente. Une autre donnée est significative : le volume de nouveaux crédits d’habitation représentait 783 millions d’euros en avril, « le meilleur début d’année depuis août 2010 », précise le rapport de KW Portugal Real Estate Insights. 

Cerise sur la gâteau, les valeurs des transactions pour l’achat de résidences lors du premier trimestre 2018 ont tourné autour de celles, historiques, de 2009, en Algarve, dans le sud et le centre du pays, mais aussi à Madère, avec une augmentation de 8,6 % par rapport à l’an passé. Sur ce point, l’Algarve sort du lot, avec une moyenne de 162 000 euros par transaction, la deuxième plus élevée après celle de Lisbonne (179 000 euros), bien au-dessus de la moyenne nationale (133 000 euros). 

Ce qui est peut-être nouveau, en revanche, c’est le développement de niches au sein du secteur immobilier, et la vente de parcelles est l’une d’elles. Les agents notent une demande accrue non seulement de jolies maisons, mais aussi des meilleurs terrains où les construire. « Beaucoup ont été vendus lors des deux dernières années, et cette tendance se maintient », confirme Alda Filipe, en charge de l’immobilier et du marketing au sein du resort de luxe Vale de Lobo, en Algarve. « Davantage de clients à la recherche d’une maison répondent à ses différents besoins. »

Conséquence directe de cet intérêt croissant des acheteurs, il devient difficile de trouver un bon terrain. « Ce n’est pas aussi simple que ça l’était il y a cinq ans. Mais nous proposons encore pas mal de parcelles, car les vendeurs connaissent actuellement leur valeur », assure Paul Cotterell, directeur des ventes de l’agence immobilière Casas do Barlavento. Kerstin Buechner, son homologue de QP Savills, va plus loin : « Les bons terrains sont difficiles à trouver, d’autant que les vendeurs peuvent fixer le prix qu’ils veulent ! »

La demande en hausse de parcelles résulte aussi du manque d’offres sur le marché immobilier. Nombreux sont les clients qui ne trouvent pas ce qu’ils désirent. « La majorité des meilleurs terrains de  Carvoeiro (Algarve) ont été aménagés il y a très longtemps », explique Zoie Hawker, associée-gérante de l’agence Fine & Country Algarve. « Le principal avantage d’acheter un terrain, c’est que vous en faites ce que vous voulez. Beaucoup de gens rêvent de construire leur maison. Quant à la recherche, la règle est toujours la même en immobilier : localisation, localisation, localisation. » 

Pour le directeur des ventes de Casas do Barlavento, ce qui motive réellement les clients à acheter un terrain, c’est l’intimité : « Si celle-ci n’est pas garantie par la taille de la propriété ou l’architecture envisagée pour la maison, l’achat n’a pas lieu. » Les plus plébiscités, dit-il, sont ceux qui disposent de 1 000 à 1 500 mètres carrés.

Parmi les biens de luxe de Quinta do Lago et de Vale do Lobo, zone où l’agence QP Savills est active, les terrains les plus désirés, qui ont le plus de valeur, sont ceux de grande dimension, avec vue sur la mer et les greens de golf. « Les autres sont plus difficiles à vendre, même s’ils sont moins chers »,  explique Kerstin Buechner. « Il n’y a jamais si peu de maisons sur le marché. Les acquéreurs ne trouvent pas ce qu’ils veulent, du coup, ils décident d’acheter une parcelle ou une vieille bâtisse, qu’ils détruisent et ils construisent la maison de leurs rêves ».

Ces habitations, explique la directrice de QP Savills, sont normalement conservées comme maisons de vacances, mais nombre d’entre elles sont construites comme un investissement. « Je pense que 60 % le sont pour être occupées et 40 % pour être vendues. Ce ne sont pas seulement les maisons les plus chères du marché, ce sont aussi les plus faciles à vendre. »

Dans une autre branche du secteur immobilier, l’opinion est la même. Ricardo Pina, fondateur du cabinet d’architecture qui porte son nom, estime que la construction d’une habitation « présente, au départ, moins de contraintes », mais il ajoute que beaucoup de promoteurs préfèrent acquérir des terrains en milieu rural, avec d’anciennes maisons à rénover ou agrandir, compte tenu de l’impossibilité d’en construire des neuves en dehors des zones urbaines. Selon l’architecte, à qui l’on doit l’Autódromo Internacional do Algarve, à Portimão, et qui est habitué à travailler pour des projets tant résidentiels que commerciaux, il est difficile de trouver une bonne parcelle et celles qui existent « sont de faible qualité ». Soit elles n’offrent pas assez d’intimité, soit elles sont mal exposées au soleil, « deux facteurs très importants pour la qualité finale de l’habitation ».

Quelles sont, alors, les « règles d’or » pour l’achat d’un terrain ? Fort d’une grande expérience dans la construction de complexes touristiques, l’architecte John Wilson, qui a fondé l’atelier Bespoke Algarve en 2011, affirme que la localisation et la viabilité de la construction sont les principaux aspects à prendre en compte, avec la pollution sonore, le raccordement aux égouts et à l’électricité, la vue, le type de sol jusqu’à l’éventuelle construction d’autres propriétés alentour. Paul Cotterell y va, lui aussi, de son conseil : « Il faut s’assurer que la superficie du terrain soit bien définie et que le contrat de construction soit en ordre. »

Ricardo Pina souligne également que les acheteurs doivent savoir où ils veulent bâtir et dans quelles conditions. « Ce peut être très attrayant de construire une maison loin des zones urbaines, mais ça l’est tout de suite moins quand il faut emmener et aller chercher les enfants à l’école tous les jours. » Au-delà de la localisation, l’architecte insiste sur le fait que l’exposition et l’intimité ne doivent pas être oubliées. « Une orientation vers le sud et un accès au nord sont déjà de bons indicateurs. » A la tête de son propre cabinet depuis 1997, l’architecte portugais note que la majorité des acheteurs de terrains sont en quête d’une architecture moderne, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. « De manière générale, ce qui est le plus demandé, ce sont des maisons pratiques, ouvertes, avec beaucoup de lumière, bien que l’ombre soit aussi très importante, surtout en Algarve », décrit-il. « Le confort thermique et une consommation d’énergie durable sont des critères qui font désormais partie de la commande, tout comme la salle à manger et la cuisine aménagées en une pièce commune et des salles de bains améliorées. »

Ainsi que le résume John Wilson, « l’avantage de dessiner une maison est que le client peut avoir exactement ce qu’il veut, sans compromis ». Et d’un point de vue financier, la construction aussi est avantageuse, assure Kerstin Buechner : « Les nouvelles maisons se vendent bien, même si le mètre carré coûte plus cher. » En revanche, la directrice de QP Savills alerte sur la morosité du processus d’obtention des licences de construction : « Cela peut durer dix-huit mois. En fonction du promoteur, ce peut être une expérience positive et enrichissante, qui permet aux gens de créer quelque chose de vraiment spectaculaire. Mais, parfois, les constructeurs sous-estiment les coûts et les délais. Les projets peuvent générer de la frustration. »

Quant à l’offre existante en Algarve, l’agence Fine & Country dispose d’une sélection limitée de terrains  dans la zone de Carvoeiro, avec des superficies qui tournent autour de 2 000 m2 pour environ 180 000 euros. « Nous en avons aussi de plus grands, autour de 600 000 euros, avec des ruines en terres agricoles, où il est possible de construire jusqu’à 300 m2, ou davantage, si nous utilisons une licence touristique. »

QP Savills, qui ne vend des parcelles en dehors de Quinta do Lago et de Vale do Lobo que si la propriété est vraiment impressionnante, propose actuellement de 41 terrains (parfois nus) et projets (des bâtisses à retaper). A Quinta do Lago, les prix commencent à 2,5 millions d’euros. « Les meilleurs, face à la mer, peuvent se vendre plus de 10 millions d’euros. »

A Vale do Lobo, une recherche en ligne sur le site de ce resort de luxe accouche de 13 résultats. Le moins cher est un terrain avec vue sur le golf Royal, doté de 841 m2 au prix de 1,1 million d’euros. Mais, comme le souligne Alda Filipe, le marché à l’intérieur du complexe est très dynamique et l’offre en constant renouvellement. 

A l’ouest de l’Algarve, les prix sont moins salés, et le directeur des ventes de l’agence Casas do Barlavento assure vendre des terrains entre 80 000 et 1 million d’euros. La majorité de ceux qui les achètent veut vivre dans la région. D’autres y construisent leur maison de vacances et pas seulement. « Certains acquéreurs veulent acheter un terrain à proximité d’une résidence pour agrandir le domaine », explique Alda Filipe. 

A Carvoeiro et ses environs, les clients sont originaires du Royaune-Uni, de France, d’Allemagne et de Belgique, énumère Zoie Hawker. A Vale do Lobo, ils sont surtout britanniques et irlandais, mais il y a toujours plus de Portugais et de Hollandais. « Nous avons remarqué que l’âge de ces derniers avait baissé. Beaucoup investissent au sein du resort avant leur retraite », assure Alda Filipe. 

La directrice de QP Savills confirme et pointe, de son côté, la hausse d’acheteurs non européens. Ces derniers « sont plus jeunes qu’il y a vingt ans », appuie Kerstin Buechner.

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